Les yeux de Lylian luisait d'une particulière lumière. Je ne pus identifier de quel sentiment il s'agissait. Il accompagna notre contact par un léger sourire que je trouvai légèrement déplacé au vu de la situation. Cependant, je ne pus m'empêcher de lui répondre par un plissement d'yeux, presque complice. Je ne m'autorisai en revanche pas de sourire.
Elsa ne prêta pas attention à notre petit jeu, et elle sembla faussement concentrée sur la correction des exercices que dressait la prof au tableau.
On voyait d'ailleurs bien que quelque chose avait changé dans la classe. Une sorte de dépression commune planait et empoisonnait l'ambiance. Je jetai un coup d'œil en direction de Stéphane, Christophe, Tesha et Illina, les quatre qui n'avaient pas participé à ce drame. Ils semblaient cependant être autant touchés que les autres, et partageaient nos doute et nos souffrances dans une sorte de solidarité scolaire. C'était comme un accord tacite entre nous tous, une cohésion nouvelle mais solide.
Mais, la vie continuait de filer. Au loin, le soleil parvint à percer la couche opaque de nuages orageux, mettant fin à toute menace de tempête hivernale.
Accompagnant cette météo pleine d'espoir, je vis les deux "Ailes" (Eleanore et Ellie) qui riaient silencieusement au fond de la salle. Je me dit d'abord que cela était impoli, avant de me reprendre mentalement : après tout, la vie continuait.
En sortant de la salle de maths, malgré les quelques regards mal placés et les chuchotements désagréables derrière notre dos, on aurait presque cru à une journée normale. Nous eûmes d'ailleurs la bonne nouvelle d'apprendre que le prof de physique n'était pas là, ce qui eut pour effet d'en réjouir plus d'un. Julian sauta littéralement de joie et, suivi de ses fidèles acolytes Claire et Nathan, il fila dans la cour, pour bénéficier des quelques rayons de soleil naissants.
De manière beaucoup moins enthousiaste, Evan traîna son corps jusqu'en étude ou il s'assit visiblement de piètre humeur. Je le rejoignis, accompagnée par Elsa et Lorrie. Cette dernière semblait beaucoup s'inquiéter pour l'état de son ami, mais, par défaut de savoir quoi dire pour le réconforter, Lorrie s'assit près de lui et lui posa une main sur l'épaule, avec compassion.
Quelques minutes plus tard, les filles (je parle d'Elsa et de Lorrie) se rendirent en salle des profs pour rendre un énième papier à la prof d'anglais concernant leur voyage aux Etats-Unis, qui avait lieu dans quelques mois.
Je me retrouvai seule avec Evan. Ce dernier prit aussitôt la parole, presque désespéré :
«-Comment t'as fait Zéli ? Je veux dire... Je m'en veux trop...»
Sa voix suppliante me fit mal et mon regard s'assombrit contre mon gré. Je fuyai le regard d'Evan, car je détestais parler de ça. Ce sujet avait le don de me rendre toujours nerveuse et à cran. À chaque fois, je revivais, en l'espace de quelques secondes, cette souffrance, hors du commun, que j'avais ressentie. Et j'exécrai ce sentiment.
Evan, sentant mon mal être, se rectifia aussitôt, sincère :
«-Je suis désolé, ce... n'est pas comparable.... Je... désolé...»
Et il baissa les yeux, confus.
Je m'en voulus aussitôt d'avoir eu cette réaction devant lui et je me rattrapai avec un sourire amical :
«-Hé ! Ça va, c'est normal que tu t'en veilles, mais la prof a raison, tu n'y es pour rien, d'accord ? Ce n'est pas toi qui a poussé cet homme à venir ok ?»
Devant son air peu convaincu, je changeai de stratégie, le connaissant borné et je repris, malicieuse, avec un sourire en coin :
«-D'ailleurs, tu ne trouvais pas que cet homme avait un léger air de ressemblance avec un personnage de Game of Thrones ?»
Comme piqué par une mouche, le visage d'Evan fut aussitôt éclairé par un sourire ravageur.
Il en fallait peu pour lui faire retrouver le sourire.
Il s'exclama, avec un élan d'enthousiasme que je lui connaissais si bien et qui savait me donner chaud au cœur :
«-Ah, je suis pas le seul à trouver qu'il ressemble à Ned Stark, quand même !»
Je ne savais pas de qui il parlait, n'ayant jamais regardé Game of Thrones (oui, j'ai dit ça au pif, en ayant remarqué un des personnages sur le poster qu'on avait offert à Evan qui m'avait fait penser à l'intrus de la soirée).
Cependant, je rentrai dans son jeu, voulant à tout prix lui changer les idées et étant heureuse d'avoir trouvé une diversion à son humeur exécrable :
«-Ouais, voilà, je me souvenais plus de son nom.»
Ou peut-être que c'est parce que je ne sais même pas de qui tu parles, pensai-je, souriante.
Je savais que parler de Game of Thrones à Evan, c'était comme me parler de Thomas Sangster, il ne pouvait pas ne pas sourire. C'était comme n'importe quelle passion. Dès qu'on était lancé, on ne pouvait s'empêcher d'en parler avec enthousiasme et vivacité. Ce fut ainsi que je me retrouvai à écouter Evan parler de ce personnage dont j'avais déjà oublié le nom (je crois que j'ai un sérieux problème avec les noms moi), et raconter toute sa vie, comme s'il s'agissait de la sienne. La seule chose que je retins fut que ce mystérieux personnage était de loin son personnage préféré mais qu'il était mort, décapité, dans la première saison. Je savais que les producteurs de cette série était des sadiques mais à ce point...
Je ne pus d'ailleurs m'empêcher de penser à une autre scène, semblable à celle-ci, où Elsa m'avait récité point par point toute la biographie de Shawn Mendes, avec un tel entrain que ça avait duré une heure entière ! Je vous jure, une heure à écouter Elsa parler de Shawn Mendes ! Quand je vous avais dit qu'elle était pipelette ! Imaginez quelqu'un de très, très pipelette, prenez en trois comme ça, et ça donne Elsa. Mais bon, je l'aimais bien quand même hein !
D'ailleurs, en parlant du loup, Elsa revint en parlant activement avec Lorrie et Leeloo (une fille qui était en première L et qui était avec nous l'année dernière). En voyant Evan lancé dans une tirade sans fin, Lorrie sourit et me lança un sourire complice.
Le sonnerie nous fit revenir sur terre et nous nous rendîmes en histoire, pour une longue heure sur la première guerre mondiale. Cela faisait près de trois semaines que nous travaillions sur cette période de l'Histoire, mais notre prof ne semblait pas s'en lasser. Déjà l'année dernière, il nous en avait parlé comme étant la chose la plus intéressante du programme de première, toute matière confondue (je n'irai pas jusqu'à là moi mais bon). Donc, pendant une heure, nous le laissâmes nous évoquer plein d'anecdotes sur cette guerre, toutes aussi horribles les unes que les autres, comme cette histoire de soldat déserteur... J'en frissonnai rien que d'y penser.
Vers onze heure, les ventres se mirent à gargouiller, mais nous dûmes malgré notre volonté nous rendre en AP (accompagnement personnalisé), pour une heure à écouter notre prof principal -M. Marton- nous parler de sa retraite anticipée. Ce prof était vraiment top.
Le repas arriva, moment tant attendu par les élèves affamés que nous étions. Evan avait retrouvé des couleurs, ce qui rendait l'ambiance à table beaucoup plus joviale. Il recommençait à parler tout en mangeant, en ayant acquis cet art de parler la bouche pleine, sans en mettre à côté, art que j'étais loin de maîtriser...
L'après-midi fila aussi vite que le matin (perturbé par un DS de géographie) et l'heure de -enfin- rentrer chez soi arriva. Je sortis du lycée sous un soleil presque nargueur et me mis en route vers l'arrêt de bus, situé -trop- loin du lycée (je n'arrête jamais de me plaindre en vrai).
À quelques mètres de l'espèce de chose en plastique qui servait d'arrêt de bus, j'aperçus deux silhouettes plutôt proches l'une de l'autre. J'eus un léger sourire et une pensée positive : la vie continue son chemin malgré tout..., pensée que je regrettai aussitôt lorsque je m'aperçus de qui il s'agissait.
C'était Lylian. Lylian dans les bras chaleureux d'une fille...
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Un nouveau chapitre avec un jour d'avance, car je ne suis pas disponible demain :)
J'espère qu'il vous a plu !
La suite mercredi (ou peut-être avant, qui sait ? ^^)
LetTheMagicHappen
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T1 | S'il suffisait que je te le dise...
RomanceTOME 1 «Les rencontres sont comme le vent ; certaines vous effleurent la peau, d'autres vous renversent.» Orpheline, travailleuse, sérieuse. Ce sont sûrement les trois mots qui définissent le mieux Zélina Evans, une lycéenne de seize ans, traînant d...