L'Île de Verre

Étape 52 : Dame Maya

– Pouvez-vous nous aider, Dame Maya ?

          Toute l'assistance de la grande salle ovale retint son souffle à la question honnête d'Aela. Ses mains jointes sur le médaillon d'Androse et son visage angélique tourné vers la Mère Supérieure, elle ressemblait à l'incarnation divine descendue en Valdoria...

           Dame Maya haussa un sourcil dubitatif face à tant d'innocence. Elle connaissait toutes les roueries féminines, compte tenu de l'Ordre qu'elle dirigeait et qui comportait que des prêtresses plus ou moins sages. Mais devant cette enfant aux grands yeux purs, elle fut obligée d'admettre les limites de son don. D'un soupir long et douloureux à faire trembler la forteresse, elle répondit d'un léger et doux sourire. Ce qui devait représenter un fait assez inhabituel de sa part, puisqu'Alani sembla pâlir un peu à cette vision imprévue.

– Je le peux, jeune fille... Mais désirez-vous vraiment entendre ce que j'ai à vous dire ? Peut-être pas.

          Aela remua négativement la tête avec force et détermination avant de répliquer d'une expression sérieuse qui la transfigura.

– Laissez-moi en être seule juge ! Je vous en prie !
– Soit.

          La Mère Supérieure se tourna vers sa conseillère et lui fit signe avec brièveté. La prêtresse Alani cligna des yeux avant de s'éclipser de sa démarche souple vers la pièce adjacente. Elle revint peu après avant une gemme polie entre ses doigts. Intrigués, le petit groupe la contempla se rapprocher d'eux et passer sa main au-dessus de la pierre magique qui fit apparaître aussitôt plusieurs fauteuils et une table dressée avec de la nourriture chaude. Face aux regards incrédules de ses invités, dame Maya eut un autre sourire exceptionnel avant de leur faire signe de la main de s'installer.

– Profitez, votre voyage jusqu'ici a été assez long, reprenez des forces. Nous parlerons en même temps.

          Chaque visiteur s'assit sur l'un des sièges non sans remercier d'un large sourire et d'une parole aimable. Tous sentirent la fatigue poindre à l'instant même où leur hôte en avait fait mention. Fael aussi devait bien admettre avoir besoin d'un peu de repos. Seule Sana hésita à prendre place, elle regarda tour à tour Sharm et la Mère Supérieure, incapable de trancher. Cette dernière le remarqua bien vite et fit un autre signe à la prêtresse Alani qui approuva encore une fois en silence et repartit.

– Installez-vous, Sana Valshian, cette chère Alani revient avec de quoi contenter l'appétit de votre féroce ami.
– La présence de Sharm ne vous dérange donc pas ? s'étonna la niarosha.
– Nullement. J'ai reçu des visiteurs bien plus exotiques que ce magnifique shia. Rassurez-vous.

          L'attitude ouverte et compréhensive de dame Maya continua de dérouter Sana, mais elle accepta dans le doute de lui faire confiance. Elle récita quelques paroles bienveillantes et rompit le pain avant de le tendre à Aela qui se retrouvait sa voisine de table. Et tandis qu'ils commençaient à se restaurer dans un silence absolu, Alani refit son apparition et se rapprocha de Sharm. Une fois encore, elle laissa sa main survoler la gemme qu'elle tenait de l'autre et invoqua plusieurs morceaux de viande conséquents. Le shia en ronronna presque de gratitude avant de commencer son repas à son tour, oubliant le reste des bipèdes avec lui.

           Dame Maya grignota un peu avant de faire une pause pour mieux observer ses invités. Contrairement aux prêtresses de l'Ordre, elle pouvait lire ses visions tout en conservant une attitude normale. Voilà d'ailleurs le don qui lui avait permis d'être nommée à la tête de cette organisation à la mort de la précédente Mère Supérieure.

– Aela ? Votre petit ami devrait manger, lui aussi. Laissez-le sortir, il ne me dérangera pas.
– Oh ? Vous l'avez senti ou... ?
– Je suis la responsable de l'Ordre du Savoir, ma chérie. Connaître ceci relève du normal, rétorqua la quinquagénaire dans un léger rire maternel.