Étape 36 : Dans la peau d'un animal

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           L'odeur entêtante de plante mélangée à celui du café fit frémir ses moustaches. Le parquet chaud grâce à son corps l'incita à se frotter le menton dessus par pur plaisir. Il avait conscience de la présence endormie de sa moitié à ses côtés et ronronna faiblement. Le léger bruit de pas se rapprocha alors et une coupe contenant des boulettes de viande apparut comme par enchantement devant ses babines affamées. Sharm se contorsionna un peu pour se redresser et engouffrer son petit déjeuner dans un grondement appréciateur pour le nain qui le surplombait en riant en silence.

– Brave shia.

           L'approbation douce de celui qui l'avait soigné la veille fit ronronner Sharm de plus belle. Sa conscience acérée de prédateur aux capacités magiques pouvait détecter facilement les intentions et la morale des manipulateurs de magie autour de lui. Le seul dont il se méfiait, c'était l'homme habillé de métal et de cuir, qui l'avait sauvé du poison. Pour Sharm, il était « l'homme dangereux » et il préférait évoluer loin de lui.

– Laisse-moi regarder tes blessures, tu veux bien ?

           La voix douce et apaisante du nain rallongea le shia sur le sol. Il se laissa manipuler en fermant à demi les yeux dans un léger ronflement de gorge qui se voulait rassurant. Beaucoup de bipèdes le craignaient – et à juste titre ! –, mais dans le cas des soigneurs, mieux valait se montrer docile.

« Sharm... »

           L'esprit embrumé de sa moitié lui fit relever brusquement la tête vers le gros truc moelleux à côté. Elle commençait à émerger de son sommeil, ce qui voudrait dire qu'ils allaient bientôt partir et trouver un ou deux désagréables bipèdes à se mettre sous la dent. La main ferme du nain força Sharm à se rallonger docilement, ce qui le fit gronder.

– J'ai presque fini.

           Il se sentait déjà mieux et prêt à se lever pour aller lécher avec affection le visage de sa moitié, devoir se laisser faire encore quelques minutes l'agaçait. Sharm voulait agir et attendit à peine que le guérisseur termina avant de se relever et déployer ses trois mètres de long. Il bondit sur l'objet où reposait celle qu'il défendrait jusqu'à la mort. Sa langue vint nettoyer avec méticulosité les joues un peu humides, avant que deux petites mains le repoussassent sans ménagement.

– Sharm... !

           Lorsque les grands yeux verts de sa moitié se posèrent enfin sur lui, il gronda amoureusement et frotta sa tête contre elle pour mieux récolter les caresses qui allaient suivre.

– Sharm !

           Les bras agréables de sa moitié l'enlacèrent et elle l'embrassa à plusieurs reprises, de quoi l'inciter à grogner de satisfaction. Il n'était jamais plus heureux qu'à ces moments-là.

– Bonjour.

           La voix amusée du nain interrompit leur échange d'affection, ce qui énerva le shia. Qui osait empêcher sa chère et tendre à l'entourer d'amour ? Son regard de prédateur fixa son guérisseur avec férocité, tandis que ses babines se retroussaient légèrement.

– Non, Sharm. Il t'a sauvé, soit gentil mon grand.

           Les yeux lourds de reproches de sa moitié l'incitèrent à se recroqueviller sur le truc moelleux où il était, les oreilles basses et l'expression matée qu'il utilisait pour calmer celle qu'il aimait passionnément. En guise de remerciement, il eut quelques caresses sur sa tête, ce qui termina de le réconcilier avec le nain perplexe face à eux.

L'Île de VerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant