Étape 83 : Un nouvel Aspect

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          Le silence absolu. Les ténèbres à peine repoussées par la lumière qui émanait des deux dragons et celle, plus opaline, d'Aela immobile. Un sentiment fragile de plénitude s'installait enfin dans l'immense cosmothèque désolée, brûlée, noircie, éventrée. Des regards qui s'échangèrent, peureux, des soupirs qui s'échappèrent, de soulagement, des mains qui s'ouvrirent pour laisser les armes choir...

– C'est... terminé ? chuchota Sana.
– Je ne sais pas... Je ne sais plus quoi penser... Peut-être vaut-il mieux vérifier ? proposa Fael.

          Dans un gémissement contenu, l'elfe se redressa pour mieux se rapprocher du prince leiyong, sous les yeux reptiliens des deux grands dragons immobiles. Aucun n'osa bouger de peur de briser cette paix éphémère. En gestes très lents, Fael se pencha pour toucher l'épaule de l'être endormi par terre.

– Qui ?

          Elle sursauta de peur aussitôt. Les yeux grands ouverts, noirs d'encre, fixaient l'elfe. Il ne dégageait que fureur et mauvaises intentions ! Ses pieds réagirent avant elle, ainsi que les deux mastodontes toujours au-dessus. Elle s'était à peine éloignée qu'ils ouvraient leurs mâchoires, prêts à se battre contre... quoi ?

– Qui êtes-vous ? grommela Kaedris.

          Le géant venait d'arrêter l'elfe dans sa course en arrière. Il demeurait le seul à posséder encore une arme entre ses doigts, sans doute car il avait senti l'énergie que dégageait encore le leiyong. Malgré son âge et ses connaissances, il n'avait jamais rencontré une pareille force...

          Iéros, toujours possédé, se redressa à son tour et observa ceux autour de lui, de ses yeux de ténèbres absolus. Sa rage première paraissait disparue et il posait partout un œil curieux. Calme et serein, les bras détendus le long du corps, il ne semblait pas plus menaçant qu'un enfant.

« Méfiez-vous, je ne reconnais pas la magie qui demeure en lui. » Les averti Kan.
– C'est le Chaos, déclara une voix presque irréelle.

          Cette fois, tous les regards convergèrent du côté des Lois Sacrées, soudain éteintes, où se tenaient une Aela bien vivante, consciente, qui rayonnait de lumière, Kaletvor dans sa main droite. Elle souriait paisiblement.

          Dans la naeva du réel, son corps avait subi un accident

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          Dans la naeva du réel, son corps avait subi un accident. Pour une raison qu'elle ignorait encore, c'était cet événement qui l'avait envoyée dans cette naeva ; l'Hélom. Ici, l'âme y accédait chaque nuit, durant le repos du corps. Certaines personnes s'en souvenaient parfois, la majorité l'ignorait. Bien souvent, le réel imposait sa force et forçait à l'oubli... Tout comme l'Hélom pour celles et ceux coincés dedans, comme Aela. La perte de mémoire n'était pas le symptôme d'une maladie, mais l'un des effets secondaires d'avoir sa conscience forcée à vivre ici.

          Dans une autre vie, elle avait créé l'Hélom. Non. Elle avait créé les lois qui régissaient la vie, ici. Les véritables créateurs de l'Hélom, c'étaient toutes les âmes qui vivaient dans cet univers. Chacun à sa façon modifiait cette couche de réalité à sa guise : par les rêves, par l'imagination, par son inconscient qui désirait s'évader. Avec amusement, Aela traduisit l'Hélom comme la soupape de sécurité des âmes. Qu'importait qui vous étiez dans votre réalité, ici, vous pouviez être quelqu'un d'autre ; un elfe centenaire ou un pauvre petit too-shoo obsédé par son sujet de prédilection.

L'Île de VerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant