Étape 59 : Responsabilité

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          Une fois les chasseurs semés et envoyés vers une fausse piste, les guerriers lashuras étaient revenus vers eux pour les mener jusqu'à leur village dissimulé entre des arbres séculaires du marais. Leurs maisons à moitié creusées dans le bois et à demi construites de guingois ressemblaient à des champignons mal formés. Elles étaient jointes entre elles par des planches liées ensemble et formaient ainsi une sorte de gros radeau sur l'eau saumâtre et peu profonde des environs. Ces Protéens délaissés, voire rabaissés par les autres races, vivaient ainsi en petit groupe d'une trentaine d'individus au centre du monde, mais ignorés de tous.

          Dès le retour des guerriers avec « le céleste », comprendre un dragon des tempêtes, les quelques femmes et enfants tombèrent à genoux. Lorsque leurs protecteurs expliquèrent la nature de Liam, il délaissa l'idée de les faire se relever. Dans cette peuplade qui vivait encore au rythme des vieilles légendes, la race Leiyong semblait représenter des demi-divinités. Même le vieux chef du village et l'étrange shaman qui l'accompagnait se prosternèrent à leur tour dès qu'il se rapprocha d'eux.

– S'il vous plaît, redressez-vous. Mon... compagnon... et moi-même avons besoin de votre sagesse et vos connaissances.

          Les deux ancêtres s'étaient regardés, un peu étonnés, avant de l'inviter à l'intérieur de la « masaba » soit l'habitacle central du village où vivaient les trois responsables de la communauté : le grand Omak, le chef politique, l'estimé Galada, le père spirituel et enfin le puissant Sa'er, le guerrier responsable de la défense. Liam se retrouva rapidement face à ces trois figures de proue de cet endroit étonnant.

– Comment pouvons-nous vous aider Oeil-de-Feu, celui qui chevauche le céleste ? demanda poliment Omak.
– Le dragon et moi avons échoué dans ce marais après un combat magique éprouvant qui a déséquilibré ma force intérieure. Si vous possédez le savoir pour m'aider à m'en remettre, j'aurais une dette envers vous...
– Je ressens votre perturbation, Oeil-de-Feu, je vais méditer à ce problème cette nuit et demander à la Suprême d'éclairer mon chemin, répondit le sage Galada de sa voix grave.

          Si la réponse plongea Liam dans une profonde réflexion, il n'en remercia pas moins le shaman. Il ne possédait aucune information sur ce peuple, son devoir restait donc de considérer chaque action effectuée par eux comme un présent rare et précieux. Ils discutèrent ensuite des limites à ne pas franchir autour du village afin de conserver les illusions lancées au fil des années pour le maintenir invisible aux yeux des idiots de chasseurs ignares, avant qu'une gêne manifeste ne vînt s'abattre entre eux. Toujours indécis sur leurs coutumes, le capitaine impérial décida d'avancer une théorie :

– Si vous le permettez, je vais aller transmettre notre conversation au dragon dehors. J'en profiterai pour me reposer.

          L'agitation entre les trois responsables du village monta d'un cran et contre toute attente, ce fut Sa'er qui s'exprima au nom des deux autres :

– Pardon, estimé Oeil-de-Feu, nous n'avons aucune idée des besoins spécifiques d'un céleste, ni si nous ne l'avons pas offensé d'avoir ainsi parlé dans son dos. De plus, tant que vous séjournerez dans notre humble village, vous pouvez considérer cette masaba comme la vôtre... Mais comment pourrions-nous loger convenablement le céleste ? Nous sommes profondément confus...

          Liam n'avait plus rencontré de personnes aussi cérémonielles depuis un bon moment. Ces hommes-lézards vivaient véritablement comme à une époque reculée, où les Humains ne dominaient pas encore le continent en semant leur laxisme des coutumes à tous les vents. Les Lashuras ressemblaient beaucoup aux Elfes dans leur comportement, leur respect, leur parler, leurs idées...

L'Île de VerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant