Étape 4 : Émotions

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          Le liquide coulant dans sa gorge, telle une brûlure d'un fer chauffé à blanc, le réveilla en sursaut. Toussant et crachant, incapable de parler, il essayait de respirer, tandis que ses forces revenaient peu à peu, dans l'intégralité de son corps. La seconde d'après, il eut l'impression d'avoir avalé un gel glacé et sa respiration se fit plus courte - Nexrim aurait juré qu'il allait mourir, en cet instant.

- C'est normal que cela ait cet effet ? S'inquiétait la voix féminine entendue dans son sommeil erratique.

           La seconde, masculine et plus âgée, eut une réponse que ses oreilles ne perçurent pas, un son strident venant tinter à ses oreilles, au même moment. Il pouvait néanmoins respirer à nouveau sans avoir de gêne et comprit que quoi qu'il ait avalé, les effets secondaires commençaient à s'évanouir.

- Vous vous sentez mieux ?

           Les yeux sombres du kérès se levèrent vers la voix mélodieuse de la jeune femme, la même qui l'avait accueilli après son... Son « quoi » ? Il ne savait même pas ce qu'il s'était exactement passé. D'un soupir, il contempla les yeux gris bleutés qui le fixait avec une certaine crainte, mais aussi un peu d'angoisse, chose qu'il ne s'expliquait pas.

- Oui... Je dirais que oui... Croassa sa voix brisée par l'étrange mixture qu'elle lui avait fait avaler.

           Avec des gestes fluides, il sortit de sa couche improvisée faite de plantes dont il ignorait l'existence, conscient d'être vêtu que d'un pantalon de tissu tout aussi inconnu, très léger. Quels qu'étaient ces deux-là, ils l'avaient soigné, voir peut-être sauvé... Son regard passa de la frêle jeune fille à son compagnon, un druide. Nexrim n'en avait encore jamais rencontré, car les druides étaient des créatures solitaires qui fuyaient les zones urbaines, or lui ne mettait normalement jamais les pieds en forêt. Sans doute était-ce grâce à ce druide, qu'il était encore en vie, vu qu'ils étaient réputés pour leurs sciences et leur magie. Ce fut donc naturellement qu'il inclina la tête vers ce dernier.

- Je vous remercie des soins que vous...

- Ce n'était pas moi. L'interrompit le druide.

           Perplexe, il jeta un bref coup d'œil vers la jeune fille non loin, qui semblait toujours mal à l'aise. Serait-elle une prêtresse d'Aline, venue voir un druide pour approfondir ses connaissances ? Ou bien...

- Aela vous a donné un précieux liquide pour vous sauver. C'est elle qu'il vous faut remercier.

           La voix calme du druide n'admettait aucune remise en question. Ils étaient d'ailleurs réputés pour leur honnêteté et leur sens du devoir. Autrement dit, il devait la vie à une fille qui ne devait pas avoir plus de quinze ans ? La dénommée Aela lui fit un sourire penaud mais sincère.

- Je suis heureuse que vous soyez toujours vivant.

- Heureuse ?!

           Les Humains n'étaient jamais heureux de sauver la vie d'un Kérès. Les Humains préféraient tuer sa race plutôt que les aider, Nexrim le savait parfaitement. Personne ne les appréciait - et pour cause ! - ils étaient connus comme fourbes, lâches, dominateurs, malsains et tout un tas d'autres qualificatifs peu engageant. De base, cela venait de leur passé compliqué de peuple charognard, censé n'exister que pour faire « place nette »... Au file du temps, les Kérès avaient évolué, mais sans forcément beaucoup changer leurs habitudes. Beaucoup vivaient grâce au brigandage, au trafique, au marchandage plus ou moins officiel et condamnable, ainsi qu'un tas d'autres activités peu reluisantes.

           Pourtant, cette fille appelée Aela dardait sur lui un regard clair de toute crainte, d'une clarté que Nexrim n'avait encore jamais vu dans les yeux d'une humaine qui le regardait. Elle ne plaisantait pas, ne mentait pas, ne le craignait pas... Il était perdu.

L'Île de VerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant