Chapitre 20

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Pdv Rune

     Du noir, beaucoup de noir. Combien de temps ça fait que je suis coincée ici? Je ne sais pas. Je ne sais plus, je n'ai de toute façon aucune idée d'où je suis.  C'est comme si j'étais coupé du monde réel, je ne sens plus mon corps, mes sens sont éteints. C'est frustrant et effrayant à la fois, être incapable de ressentir quelque chose de physique est une sensation affreusement désagréable. Comme si nous n'existions plus et que nous étions condamné à vivre dans cet bulle le restant de nos jours, sans que personne ne puisse vous en sortir. La seule chose qui vous permet de ne pas sombrer dans une folie profonde c'est vos souvenirs. C'est une preuve que vous avez vécu et que vous étiez vivant, qu'ils soient heureux, tristes ou douloureux.

Douloureux... C'est exactement ça, c'est de la douleur que j'avais ressenti que je me souviens. Il y avait les flammes autour de moi qui me rongeaient, les cris qui résonnaient dans ma tête, la fumée qui m'obstruait la trachée jusqu'à me bruler les poumons, et puis le coup de feu. La douleur brûlante dans mon ventre, qui me déchirait l'intérieur, mes mains qui appuyaient sur la blessure, mes vêtements et mes bras couvert de sang.
De mon sang, celui qui s'écoulait beaucoup trop rapidement de mon corps, me faisant tourner la tête jusqu'à ce que je ne puisse plus tenir debout. Ensuite ma tête qui tapa violemment le sol, ma vision qui se flouttait de plus en plus, et puis le vide dans lequel je suis désormais. Est-ce vraiment le souvenir dans lequel je dois vivre pour toujours? Je n'espère pas... Parfois des petits éclairs de lumière viennent passer devant moi, et je peux à nouveau retrouver l'usage de mes sens et de mes membres. Je vois son visage souriant, je sens main sur mes joues, j'entends sa voix me dire ses habituels mots gentils qui me faisaient sourire. Alessa... Attends moi j'arrive, je vais te retrouver et on quittera ce cauchemar toutes les deux, on a toujours été ensemble et ça ne changera pas. Puis ensuite, lorsque cette lumière disparaissait, une autre s'éclairait faiblement devant moi. Plus petite, moins chaude et vacillante, comme faible et prête à s'éteindre. Je me revoyait alors enfant, tenant la main de mes amis de toujours, de mes meilleurs amis. Jouant devant la grande forêt, un grand sourire accroché sur le visage. Là aussi je pouvais ressentir quelque chose, mais c'était différent des souvenirs avec Alessa. Dans ces moments là j'avais mal. J'avais mal partout et je voulais que ce souvenir disparaisse, qu'il s'éteigne à jamais et que je le jette le plus loin possible dans une fosse. La fosse de l'oublie. Celle dans laquelle je suis actuellement. Je le ferais non pas pour ne plus souffrir, mais pour les faire souffrir eux. On s'était promis de ne jamais s'oublier et de toujours rester ensemble, c'était comme un code de conduite pour nous trois mais il avait enfreint la deuxième règle, alors ça sera à moi de briser la première et de les effacer de ma mémoire, comme on efface de la craie sur un tableau avec le revers de sa manche. Un geste rapide et efficace, mais salissant. Salissant de peine, de regret et de douleur insoutenable. Parce que les haïr ainsi n'est pas facile...

     Peu importe désormais, je n'en ai plus rien à faire de ce que je peux ressentir, j'ai vécu tellement de chose en peu de temps que maintenant la moindre chose pourrait me paraître normale dans ma vie. Je ne suis pas au point de me plaindre de toute ma vie, mais presque. J'ai vécu des bons moments comme des mauvais, j'ai rencontré des personnes qui m'ont aimé et d'autre qui m'ont fait souffrir. Tout dans un parfait équilibre me permettant de vivre. Mais aujourd'hui ça n'est plus pareil, le poids de la balance qui me faisait vivre plus joyeusement c'est envolé en un instant. J'ai tout perdu, tout ce à quoi je tenais.

Ma famille.
Alessa.
Ma vie un minimum calme.

S'en est presque désespérant à regarder. Oui, ma vie est un gouffre profond de pitié amer et de désespoir. Je suis parfaitement ridicule.

Je retournais ainsi mon cerveau depuis je ne sais combien de temps, à m'en faire mal au crâne si je pouvais sentir la moindre douleur. Puis un nouveau flash réapparu, plus vif et blanchâtre, me faisant mal au yeux, comprenant que je sentais bien mon corps maintenant. J'avais mal...? Oui j'avais mal! Je n'aurais jamais cru dire ça un jour mais cette douleur fut là meilleures des sensations que je n'avais jamais ressenti. Je croyais que j'allais rester dans ce noir complet dans un temps infini mais non! La lumière devenait de plus en plus forte, ainsi que la douleur qui se propageait dans chacun de mes membres. Je retrouvais également l'usage de mes poumons mais ma respiration restait bloquée dans le fond de ma gorge, comme si un épais noeud avait été fait sur ma trachée. La lumière eu un nouvel éclat, cet fois-ci semblable à celui d'une explosion puis chacun de mes sens retrouva sa place, me faisant un choc dans tout le corps, me provoquant un sursaut et une grande inspiration. L'oxygène rentrant dans mes poumons me brûla de l'intérieur et je toussait tout l'air que j'avais avalé, contractant mes muscles douloureusement. Je me laissa retomber sur la surface où j'étais apparemment allongée et regardait le plafond sans parler, bloquée et la vision encore brouillée et vrillante, ne me permettant pas de voir les alentours. Je tournais difficilement la tête sur le côté en tentant de me relever, mais un éclair me traversa le corps et je resta couchée dans ma position initiale. Je tentais de porter ma main à mon visage mais en donnant des petits coups de poignets pour faire bouger mon bras, je déduis rapidement avec horreur que j'étais attachée, ainsi qu'aux chevilles. Je commençais à reprendre conscience de la réalité et je fus prise d'un coup de panique, accélérant ma respiration et mon rythme cardiaque. Je tirais sur les liens qui me râpait les membres. J'avais mal partout, ne sachant pas vraiment pourquoi, mais je continuais obstinément à me débattre de la sorte.

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