Le trajet dans la voiture est morne. Et pour cause, Louise boude depuis plus de trois heures. Dès lors qu'elle a quitté le centre médical, la jeune fille de dix-sept ans s'est littéralement muée dans un silence de plomb. Et comme d'habitude, chaque membre de la famille Legrand s'évertue à marcher sur des œufs quand Louise n'est pas d'humeur. Cela fait désormais un an tout juste que cette situation perdure. Louise a risqué sa vie et par conséquent chacun a mis la sienne entre parenthèse pour s'occuper d'elle. Charles, le père de famille gare leur voiture dans l'allée de leur maison qu'il n'a vue que brièvement ces derniers mois. Puis, il sort du véhicule et ouvre la marche. Sa femme Caroline, sa fille cadette Jeanne et son fils Baptiste le suivent alors.
Tous sont bien résolus à reprendre le cours de leur vie et leur petite routine ici à Deauville. Seule Louise est restée dans la voiture, terrorisée à l'idée de retomber dans cette spirale infernale qui lui a presque coûté la vie. Elle ne sait pas de quoi demain sera fait et cela provoque en elle une angoisse qu'elle ne parvient pas à contrôler. Pourquoi n'est-elle pas comme toutes les jeunes filles de son âge ? Au fond, elle ne souhaite qu'une seule chose : retrouver son insouciance. Inquiet pour sa sœur, Baptiste fait demi-tour et ouvre la portière en lançant :
-Si tu comptes squatter cette voiture, je veux bien prendre ta chambre. C'est la plus belle de la maison !
Louise soupire. Son frère n'a jamais été drôle et pourtant il est persuadé du contraire. Baptiste a tendance à lâcher des jeux de mots farfelus à longueurs de journée que seul lui comprend. Ça peut devenir agaçant au bout d'un moment. Seulement, Louise sait qu'il agit de la sorte pour tenter de détendre l'atmosphère. Baptiste est comme ça ; tout le monde l'apprécie.
-Je ne vais pas y arriver... murmure-t-elle.
-Bien sûr que si !
-Non. Je veux retourner en Suisse. Là-bas, personne ne me jugeait et puis je commençais à m'y habituer.
-C'est justement pour ça qu'on est rentré : mieux ne vaut pas s'habituer à ces centres pourris. Ce n'est pas la vraie vie. Et maintenant, sors d'ici ! Sinon j'emménage dans ta chambre.
Louise esquisse un sourire et s'exécute. Qu'est-ce qu'elle ferait sans lui ? Certes tous ses proches ont été géniaux avec elle. Cependant Baptiste est différent. Il lui fait oublier ses problèmes.
-Tu n'auras jamais ma chambre, gros profiteur ! s'exclame Louise.
-Enfin, je te retrouve ! Allez viens par là...
Il lui ouvre ses bras maladroitement, dans lequel elle n'hésite pas à se réfugier. Louise aime son frère et il le lui rend bien. Jeanne apparait soudain dans l'embrasure de la porte et s'écrie :
-Hé les amoureux, venez voir ce qui se passe dans le salon ! C'est presque gênant...
Les trois ados se précipitent à l'intérieur où la toute nouvelle chanson de Bruno Mars résonne à plein volume. Charles et Caroline s'accordent une danse enflammée sous les yeux ébahis de leurs trois enfants. Çà fait longtemps que Louise n'a pas vu ses parents aussi heureux et elle a conscience d'en être responsable. Si Jeanne et Baptiste les ont déjà rejoints sur leur piste de danse improvisée, Louise reste en retrait.
A croire qu'elle ne sait plus faire la fête. Dieu sait qu'elle en est capable pourtant. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'on avait coutume de l'appeler « la fêtarde de la famille ». Sa mère s'approche d'elle en se déhanchant très étrangement. Elle saisit les mains de sa fille et l'incite à danser. Louise se laisse aller et ce juste pour faire plaisir à sa maman chérie.
-Maman, rappelle-moi de ne jamais t'emmener en boîte.
-Pourquoi ça ? Ce n'est pas moi qui suis irrécupérable mais ton père !
Louise explose de rire lorsqu'elle surprend son père danser le twist sur cette musique pop.
-Enfin un sourire ! s'écrie Caroline.
Ils se mettent à applaudir avant de carrément se jeter sur elle. Louise réalise qu'elle a une chance incroyable. Il est vrai que l'on ne choisit pas sa famille mais si Louise avait dû le faire, il est certain qu'elle aurait pris ces quatre personnes extraordinaires. Son téléphone retentit alors, interrompant ce grand moment débordant d'amour. Elle ne tarde pas à répondre. C'est son petit-ami, Léo et il est de loin à ses yeux l'homme de sa vie. Louise se réfugie dans sa chambre afin de discuter plus tranquillement.
-Pourquoi tu ne m'as pas répondu quand je t'ai appelé avant le décollage ? lui demande-t-elle.
-Ma batterie était à plat, répond Léo, dans le vague.
-Pourquoi ta batterie est toujours à plat quand j'ai le plus besoin de toi ? s'énerve Louise.
Un silence s'installe. Louise n'entend plus que la respiration de Léo.
-Pourquoi tu ne parles pas ? s'enquit-elle.
-Tu tiens vraiment à ce qu'on se dispute, alors que ça fait presque deux semaines qu'on ne s'est pas vu ?
-C'est toi qui n'es pas venu me rendre visite. Je n'y peux rien...
-Ne m'en veux pas, s'il te plait. Je devais aider mes parents pour le déménagement.
Louise ne répond rien. Pourquoi les parents de Léo ont eu brutalement l'envie de s'exiler au fin fond de l'Auvergne au moment où elle est de retour ?
-Tu leur as reparlé de la colocation ? demande Louise.
-Oui. Au moins une centaine de fois et ils n'en ont rien à faire. Ils veulent profiter de moi avant que je parte faire mes études.
-Je vois... Quand est-ce que tu pars ?
-Après-demain... lâche-t-il, abruptement.
-QUOI !?
Léo marque une pause avant d'affronter l'orage. Il essaye de choisir ses mots afin de la calmer. C'est ce que le médecin de Louise lui a conseillé : ne jamais la brusquer, toujours prendre des pincettes.
-Ne t'inquiète pas : j'ai prévu de revenir sur Deauville le plus souvent possible. Et surtout, demain, on passe toute la journée ensemble.
Louise tente de ne pas s'énerver. Ça ne sert à rien. De tout de façon, ce n'est pas lui qui décide et puis elle risque de tout gâcher entre eux. Une rupture, c'est de loin la dernière chose qu'elle souhaite. Elle veut que ça marche. C'est pour lui en partie qu'elle s'est battue durant cette longue année. Elle n'a pas le droit de tout abandonner à cause d'un simple problème de distance.
-D'accord. Tu passes me chercher vers onze heures, alors ?
-Onze heures, ça me va, assure-t-il.
-Ok... à demain.
Louise s'apprête à raccrocher lorsque Léo dit :
-Je refuse qu'on se quitte fâché.
-Je ne suis pas fâchée, se défend Louise, sans pour autant être convaincue par ses propos.
-Si tu l'es. Il faut que tu arrêtes de te prendre la tête. Je t'aime, tu le sais non ?
-Mmh...
Louise ne peut s'empêcher de douter. Léo est doté d'un pouvoir d'éloquence incroyable. Il sait apaiser les tensions, amadouer les gens afin de les rallier à sa cause mais surtout faire croire n'importe quoi à n'importe qui. De ce fait, Louise a du mal à lui faire entièrement confiance quand il se confie sur ses sentiments.
-Je dois te laisser. Ma mère m'appelle... On a encore pleins de cartons à faire.
-Je ne te retiens pas.
-Tu n'oublierais pas quelque chose, laisse-t-il entendre, de sa voix mielleuse.
Louise esquisse un sourire avant de lui susurrer :
-Je t'aime aussi.
Léo raccroche avant elle. Fatiguée par cette journée riche en émotions, Louise se jette sur son lit et regagne rapidement les bras de Morphée.
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Quand les kilos s'en mêlent...
General FictionQui de Louise et Vanessa est la plus belle ? Serait-ce Louise aussi légère qu'une plume et dont la taille de guêpe est enviée de toute la gent féminine ? Serait-ce Vanessa qui possède des formes voluptueuses et un joli petit minois ? Baptiste un jeu...