Quand les kilos s'en mêlent...

Chapitre 9 : Baptiste

Malgré tous ses efforts, Baptiste n'est pas parvenu à convaincre sa sœur de manger à la cantine. Certes, ils n'ont jamais mis un pied dans cette affreuse cafétéria qui ne sert que des conserves bon marché. Cependant, Baptiste a vu cette Vanessa s'y rendre et l'occasion était idéale pour faire connaissance. Lorsque le jeune homme l'a découverte ce matin, il a cru rêver.

Finalement, il avait tout faux. Cette fille est loin d'être plus âgée que lui. Pour Baptiste, c'est un signe : ils ont le même âge, partagent la même rue et la même classe. Tous deux ont beaucoup trop de points communs pour ne pas se mettre ensembles. Depuis le début de la matinée, il a tenté plusieurs fois de s'approcher d'elle mais en vain.

Premièrement, il n'est pas le seul mec sur le coup. La plupart des garçons du lycée lui tourne autour, sans jamais qu'elle ne s'attarde sur l'un d'entre eux. Deuxièmement, cette fille est très intimidante. Et troisièmement, Vanessa Diakos a pour réputation de donner des gifles à chaque mec qui serait un peu trop entreprenant. Julien tient cette info de source sûre... Baptiste se doit donc d'être plus malin que les autres et d'attirer cette fille entre ses filets.

En attendant qu'il passe à l'action, Louise et Baptiste se rendent à cette brasserie, près du lycée dont ils sont clients depuis un bon bout de temps. Ils sont très vite rejoints par Jeanne qui a préféré laisser ses copines pour prendre des nouvelles de sa sœur. Leurs commandes passées, il est temps de faire un débrief sur cette rentrée. Louise ne pense qu'à son ancien groupe de copines qu'elle a quittées l'année dernière et qu'elle essaye désespérément de reconquérir.

-Vous vous rendez compte qu'elles ne m'ont même pas saluée, souligne Louise, dépitée.

-Peu importe ! rétorque Jeanne. Je te rappelle que ce sont de vraies pestes qui ne t'ont rien apportée de bon.

-Ça reste mes amies ! Et puis, elles sont populaires. Il faut à tous prix qu'elles me réintègrent dans leur groupe... J'suis pas une boloss !

Baptiste ne dit rien mais n'en pense pas moins. Sa sœur peut se montrer très superficielle. Il faut absolument qu'elle soit adulée et vue de tous pour se sentir vivante. Il sait que pour Louise, l'idée d'être invisible est inconcevable.

-Pour ma part, tout s'est bien passé, dévoile Jeanne trop contente de partager son bonheur. C'est comme si j'avais quitté Emilie et Manon, la veille. Elles sont géniales. Et devinez quoi ? Je crois que j'ai trouvé mon futur mec ! On ne s'est pas encore parlé et il semble un peu timide mais il est trop beau pour que je ne tente rien.

Baptiste esquisse un sourire. En l'espace d'une année, sa petite-sœur a bien changé et surtout mûri. Auparavant, elle ne décollait pas sa tête des bouquins. Aujourd'hui, elle s'intéresse aux garçons. C'est cool mais Baptiste compte bien veiller au grain. Jeanne mérite indubitablement quelqu'un de bien.

-Alors Baba, tu es bien silencieux, lance Jeanne.

-Ce doit être parce qu'il fantasme sur cette baleine, répond Louise, avec un air narquois.

-Louise, tu ferais mieux de te taire !

Sa sœur ne l'entend pas de cette manière et poursuit avec un certain plaisir :

-Jeanne, sache que notre cher frère craque littéralement pour la grosse qui nous sert de voisine !

-Elle ne s'appellerait pas Vanessa, par hasard ? s'interroge Jeanne.

Baptiste acquiesce alors qu'on leur rapporte leur plat. Si Baptiste et Jeanne ont opté pour un hamburger frites, Louise a préféré s'en tenir à des haricots verts accompagnés d'un filet de cabillaud.

-Franchement Baptiste, tu mérites mieux qu'elle. Tu es beau et elle...

-Et elle aussi, ajoute Jeanne, venant à la rescousse de son frère. Dans ma classe, tout le monde a parlé d'elle enfin surtout les mecs. Honnêtement, je les comprends ! Je tuerais pour avoir sa poitrine !

Louise fusille sa sœur du regard.

-Est-ce que tu peux m'expliquer ce que tu as contre cette fille ?

-Disons que sur l'échelle de la beauté, elle vaut un voire deux sur dix alors que toi tu es à dix sur dix, lâche Louise avec méchanceté.

-C'est purement subjectif, répond Baptiste, en tentant de garder son calme. Par contre, je serais ravi que tu me donnes ta note sur ton échelle à la con.

Louise avale deux haricots avec précaution, faisant patienter son frère qui bouillonne intérieurement. Sans aucune difficulté, Louise prononce :

-Je vaux un dix, c'est évident.

-Qu'est-ce qui te fait penser ça, au juste ? Tu n'as que la peau sur les os et crois moi, tu as beaucoup à envier à cette soi-disant « grosse ».

Le visage de Louise se décompose. Quant à Jeanne, elle voue désormais un intérêt profond à son assiette. Les conflits, ce n'est pas vraiment son truc.

Elle préfère s'en tenir éloigner et quand ce n'est pas possible comme dans cette situation, la jeune fille se fait aussi petite qu'une souris.

-Tu ne connais même pas cette fille et pourtant tu la défends corps et âmes ! s'indigne Louise.

-Je la défends parce que tu es volontairement injuste envers elle. Ça te fait chier que tous les mecs la regardent elle et pas toi.

-Pas du tout ! s'écrie Louise, les larmes aux yeux.

Réalisant que la situation empire, Jeanne s'exclame :

-Baptiste, laisse tomber. C'est trop tôt pour parler de ça.

-Tu as raison, répond-il.

-Je vous signale que je suis à côté de vous !

-Pardon Louise ! ironise Baptiste. J'avais oublié que tu étais le centre du monde !

Son appétit coupé, le jeune homme rejette son assiette violemment, attrape ses affaires et laisse ses sœurs en plan. C'est la première fois qu'il est aussi dur avec sa sœur mais c'est légitime. Son attitude est exécrable.

Franchement, leurs parents ne les ont pas élevés pour en faire des personnes prétentieuses et malfaisantes. Sur les nerfs, Baptiste rejoint le lycée et décide sur un coup de tête de se rendre à la cafétéria comme il l'avait prévu. L'adolescent se fraye un chemin parmi la foule, essuyant plusieurs plaintes pour être passer devant tout le monde.

Il jette un œil dans le réfectoire et l'aperçoit toute seule à une table en train de triturer sa nourriture. Elle paraît songeuse. Malgré son visage impassible, Baptiste est et demeure obnubilé par elle. C'est avec un certain trac qu'il se lance et jongle entre les tables pour la rejoindre. C'est le moment ; il est à deux doigts de lui adresser la parole.

Elle est dos à lui. Baptiste prend quelque seconde pour prendre sa respiration lorsqu'un mec le bouscule sans vergogne et s'installe en face de Vanessa.

-Elias ? s'exclame Vanessa.

-Salut, répond le prétendu Elias.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

Le ton de Vanessa est sec. Baptiste comprend qu'il est de trop. Il choisit de s'éloigner d'eux, se promettant que la prochaine fois, il parviendrait à lui parler.