CHAPITRE SIX
Olivier.
Samedi 3 décembre.
10h07.
Dire que je ne me sens pas à ma place dans cette cuisine est plutôt proche de la vérité. Je me sens comme un con. Je suis encore en période d'essai mais je n'ai pas besoin de réfléchir cent ans pour savoir que je vais dégager à la fin de celle-ci. J'enchaîne les conneries et je suis incapable de prouver au chef mes talents culinaires. Et puis, je n'aime pas spécialement Paris, la Bretagne est davantage attirante.
Cette brigade possède une cohésion à laquelle je ne peux prendre part, pour eux je suis encore le nouveau, ce qui explique sûrement le fait que j'ai retrouvé mon casier dans un état lamentable. Une manière de me dire « dégage ». Je gratte mes cheveux et enfile ma veste sur mon torse frissonnant. Il fait frais dans les vestiaires, Ismaël entre dans la pièce, me salue d'un signe de la tête auquel je réponds par un sourire. Je vais ensuite jusqu'au fond de la cuisine, à la recherche de mes instructions. Sans surprise, je dois aller en salle faire la mise en place.
Maryse m'accueille avec un grand sourire qui me réchauffe le cœur. Depuis des semaines, je m'occupe de la salle avec elle, nous aimons plaisanter sur l'écriture du chef, nous discutons décoration et j'apprécie sa compagnie. Sa patience me rappelle celle de ma mère. Je m'assieds sur l'une des chaises et me lance dans la confection des nœuds pour les serviettes, tâche fastidieuse.
« J'ai entendu dire que ton casier avait été mis dans un état pitoyable, dit-elle en s'asseyant en face de moi.
J'acquiesce et elle me lance un regard compatissant. Ses cheveux sont noués à l'aide de baguettes en bois et quelques mèches rebelles dépassent, ce qui ne semble pas la déranger. Elle prend en note les réservations et ce n'est que maintenant que je remarque qu'elle porte une alliance à son annulaire gauche.
− Je peux t'aider ?
− Non, excuse-moi. Je viens juste de remarque que tu es mariée.
Elle jette un coup d'œil à son doigt et un léger sourire flotte sur ses lèvres.
− Vingt ans d'amour, me confie-t-elle. Et toi ?
Je ne peux m'empêcher de m'empourprer, n'ayant pas l'habitude me confier sur ma vie amoureuse. Lorsque je vivais toujours chez mes parents, je ne leur ai jamais présenté qui que ce soit, au contraire de ma sœur qui leur a déjà présenté un garçon.
− Il n'y a pas grand-chose à dire, je suis célibataire.
− Tu es jeune encore, tu n'es pas pressé. Il n'y a même pas une petite parisienne qui t'a tapé dans l'œil ?
Il fallait que cette question arrive, évidemment. Je triture mon porte-bonheur dans ma poche avant de relever mes yeux vers elle.
− Je n'aime pas les femmes, Maryse, confessé-je.
Elle pose son crayon sur l'agenda des réservations, son sourire ne l'a pas quitté ce qui est engageant pour la suite.
− Oh, ça ne change pas grand-chose, si ? Mais, dans ce cas, il n'y a pas un petit parisien qui t'a tapé dans l'œil ?
Je souffle l'air compressé dans mes poumons et mon cœur retrouve un battement régulier.
− Je n'ai pas vraiment eu le temps de m'y intéresser, avec le travail et puis quand je rentre chez-moi, je suis crevé, alors pour te répondre, non pas de parisien, rigolé-je.
− On sort parfois avec la brigade, tu pourrais te joindre à nous. En plus cela te permettrait de développer ta cohésion de groupe.
J'hausse les épaules, je ne suis pas persuadé de vouloir passer une soirée entière avec Linus.
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Du Bruit Dans La Cuisine
RomanceParis, septième arrondissement, où la richesse, la luxure et l'envie trônent en maître. Entrez et poussez les portes de l'un des restaurants les plus huppés de la capitale. Paris, ville des amoureux. Où il suffit de deux prunelles anthracite pour...