Chapitre quatorze − Olivier Hauffman

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CHAPITRE QUATORZE

Olivier.

Jeudi 2 février.

16h33.

Une longue douleur remonte le long de mon dos et m'arrache un gémissement de peine que je tente tant bien que mal d'étouffer. Chaque mouvement est un supplice et je marche comme un canard – un canard qui aurait une patte cassée. Je rabats mes bouclettes rebelles derrière mes oreilles et souffle un long moment, juste le temps d'oublier la douleur.

Je savais qu'avec son attirail, il allait me déchirer de l'intérieur. Ça n'a pas loupé. Il m'a littéralement défoncé le postérieur !

Sous la douche, l'eau coule le long de ma colonne vertébrale et adoucit la douleur qui me transperce de part en part. Mon front est appuyé contre la paroi de la douche et ma lèvre inférieure est emprisonnée entre mes incisives. Je masse doucement ma chute de reins à l'aide du gel douche et ce simple geste m'aide à me sentir mieux. Je n'ai pas trop le choix, je travaille ce soir.

Devant la glace, lavé, essuyé et une serviette nouée autour de la taille, je constate l'étendue des dégâts. De nombreux suçons parcourent ma peau, ils ressemblent à un jeu de piste qui indiqueraient un trésor. Du bout des doigts je retrace leur forme et leur couleur, je n'ai pas souvenir que ma conquête ait été si possessive. Mais, j'ai d'autres souvenirs plus intimes de lui. En relevant la tête, le petit miroir me renvoie l'image de mes joues rougies. Je ressemble à une écolière qui s'est amourachée du mec le plus populaire du lycée. Un tableau pas très glorieux.

En me baissant pour récupérer la mousse à raser, j'étouffe un glapissement plaintif. Ça fait bien trop longtemps que je n'avais pas couché avec un beau brun, barman de surcroît. J'étale la mousse sur mon visage, cachant par la même occasion mes joues rougies, et évite soigneusement les quelques boucles qui tombent sur mon front. Il est temps que je coupe mes cheveux avant de me prendre une remarque du chef. Il a toujours les cheveux coupés courts, ce qui accentue son côté autoritaire et dominant. Ses cheveux encadrent son visage et leur couleur de jais rappelle sans peine ses yeux tout aussi foncés. Il est le genre d'hommes sur lequel je pourrais me retourner dans la rue, il est séduisant. Diablement séduisant.

En apposant la lame sur ma peau, je me concentre comme si j'étais au restaurant, je n'ai pas envie de me couper. Je sens le métal froid glisser contre mon épiderme, dans un geste simple que je reproduis plusieurs fois. J'admire ensuite mon reflet dans la glace de fortune qui pend lamentablement au mur et rince mon visage. Satisfait, je laisse choir la serviette au sol et je détourne les talons pour trouver de quoi m'habiller. Une fois devant ma valise, je ne mets pas longtemps à sortir un caleçon propre, mon pantalon noir fétiche et ma veste noire. J'enfile le tout en essayant d'oublier la douleur qui tire ma peau dans tous les sens.

Fin prêt, je ferme mon manteau, visse mes écouteurs dans mes oreilles et fourre mes boucles sous mon bonnet. Je cherche quelques minutes mon écharpe, ne la trouvant pas, j'abandonne rapidement. Je suis pas loin d'être en retard et c'est inacceptable. Les quatre étages qui me séparent du rez-de-chaussée sont une véritable torture et je me demande comment j'ai réussi à les gravir il y a quelques heures. En plus, je suis du type frileux et le brouillard qui nappe la banlieue est gage de la fraîcheur de l'air. Mes doigts emprisonnés dans des gants molletonnés se retrouvent tout de même ankylosés par le froid et la chair de poule qui recouvre chaque parcelle de ma peau me pousse à resserrer mon col autour de mon cou.

Une fois dans la rame de métro, un dilemme s'offre à moi. Rester debout et souffrir le martyr en sentant la peau de mon dos se tirer. Ou alors je peux m'asseoir et sentir la partie de mon anatomie la plus douloureuse, comprimée contre le siège. Instinctivement, je ferme les yeux et prends la décision de rester debout, autant m'y habituer dès maintenant. Je gratte l'arrière de ma nuque, passablement fatigué de la nuit dernière – Pierre doit être dans le même cas que moi et cette seule pensée me fait sourire. Peut-être qu'il a réussi à tout avouer à Lise, même si j'en doute fortement.

Du Bruit Dans La CuisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant