Chapitre cinquante-deux − Olivier Hauffman

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CHAPITRE CINQUANTE-DEUX.

Olivier.

Samedi 6 avril.

9h36.

Mon cœur se serre. Je suffoque. Je souffre. Les mots sont bloqués dans ma gorge et ma tête tourne. Jamais un mensonge ne m'a fait aussi mal. Je suis incapable de lui dire la vérité.

Si bien que lorsqu'elle fronce les sourcils, je suis obligé de me défiler. Parce que je ne peux pas la regarder dans les yeux. Je ne veux pas qu'elle puisse voir à travers mon jeu. Alors, je me détourne. C'est toujours plus facile de fuir. Et c'est ce que j'ai toujours fait. Parce que je ne veux pas la décevoir.

Les marches qui me mènent à l'étage me semblent insurmontables. Une montagne à gravir. L'oxygène me manque. Les battements de mon cœur sont irréguliers et tonnent dans ma poitrine. Un ami.

Mes mains sont moites et mes lèvres tremblent. J'ai l'impression que la Mort m'attend au tournant. Il suffit que je passe la porte de ma chambre pour être aspiré dans les limbes de l'Enfer. Pourtant, l'Enfer a toujours été doux à ses côtés.

Alors que je passe la porte, la première chose que je remarque, ce sont les vêtements qui jonchent le sol. Et je n'ai pas vraiment l'impression que ce sont ceux que j'ai balancés cette nuit. A cet instant, un fil se connecte dans mon crâne embrumé. Le caleçon que j'ai sous les yeux lui appartient. Tout comme cette chemise. Et ce t-shirt rouge qui met ses biceps en valeur.

Tout ce qui se trouve au sol lui appartient.

Avec du recul, je crois qu'à l'instant où une mauvaise nouvelle s'apprête à nous fouetter la gueule, on le sait. On le sent. L'ambiance est tendue, chargée de particules de colère. Il y a toujours des signes avant-coureurs. Je ne les ai juste pas vus à temps.

Andrev est assis sur le lit, son regard a perdu de son éclat. Lorsqu'il lève les yeux vers moi, un truc me tétanise sur place. Il est foudroyant. Ses mâchoires sont serrées. Mais surtout, c'est la déception reflétée sur son visage qui me fait le plus mal.

Il a entendu ce que j'ai dit à ma mère.

J'esquisse un pas vers lui. J'ai besoin qu'il m'écoute. Qu'il sache que je ne le pensais pas. Qu'il entende qu'il n'est pas un ami. Qu'il n'y a que lui dans mon crâne et que je n'en ai rien à foutre du reste. Mais c'est trop tard. Son cœur m'est inaccessible.

« Recule. Je ne sais pas ce que je pourrais être capable de faire, gronde-t-il.

Sa voix glace mon sang. Sa colère est sourde. Et je le connais assez pour savoir qu'elle est davantage dévastatrice. D'ici quelques minutes, un raz-de-marée va venir nous briser, mes sentiments et moi. Comme si je n'étais rien. Un plancton dans son océan.

− Je suppose que tu as tout entendu.

Ma voix tremble. Mes jambes aussi. Et je sens que je vais m'effondrer dans un instant.

− Je ne sais pas. Tu parles du moment où tu disais que j'étais un ami à ta mère ? A moins qu'il y ait un autre moment où tu te sois encore plus foutu de ma gueule ?

J'aimerais hurler, moi aussi. Lui dire qu'il a tort et qu'il ne sait pas de quoi il parle. Mais ce serait un nouveau mensonge. Un de plus à ajouter à la liste. Un de ceux qui foutent en l'air une relation. Un de ceux que l'on regrette toute notre vie. Et ça tombe bien, je suis très bon dans les regrets.

Rageusement, il range ses affaires dans sa valise. Je sais qu'il est déçu. De moi. De nous. Et surtout de lui. Parce que je lui ai demandé de me faire confiance et c'est ce qu'il a fait. A tort.

Du Bruit Dans La CuisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant