Chapitre huit − Olivier Hauffman

4.4K 425 26
                                    

CHAPITRE HUIT

Olivier.

Samedi 24 décembre.

18h29.

Ma mère s'affaire dans la cuisine. Non. Le terme exact serait plutôt qu'elle court entre le salon, la salle à manger et la cuisine. Elle veut que tout soit parfait, comme tous les ans. Hier, on a fait le sapin tous les quatre, ma sœur a trouvé du temps pour nous dans son emploi du temps, plus que chargé.

Au grand dam de ma mère, nous avons fini par nous disputer. Je crois qu'Annaïg et moi sommes incapables de rester dans la même pièce sans que cela tourne au cauchemar. Étant jumeaux, nos parents ont toujours voulu nous différencier et depuis, nous n'avons jamais réussi à trouver un terrain d'entente.

« Oli, mon fils, pousse-toi de mon passage !

Je me décale et l'ouragan qu'est ma mère, dépose les assiettes sur la table. D'un geste du menton, elle indique à mon père sa délicate mission ; décorer la table de Noël. Je lâche un petit rire et annonce à mon père que je vais le faire. Après tout, cela ne change pas de mes missions au restaurant. En ayant presque failli l'empoisonner en confondant le sel et le sucre, j'étais persuadé qu'il allait me virer.

Mais non.

Il m'a gardé. Lorsque je l'ai annoncé à Pierre, il m'a sauté dans les bras et m'a fait promettre de sortir avec la brigade pour fêter ça. Et j'ai dit oui, après avoir vérifié avec Maryse que le chef n'était pas présent à ces sorties. Moins je le vois, mieux je me porte.

En m'asseyant sur une des chaises autour de la table, j'entends mon père supplier ma mère de se calmer. Elle est au bord de l'implosion et ne se calmera que demain, comme à son habitude. Je rabats l'un des coins de la serviette et me remémore les explications du chef concernant le pliage en forme de flocon. Je reproduis machinalement le geste pour tous les invités présents ce soir avant d'essuyer l'argenterie. Le travail commence à rentrer. Je laisse échapper un petit rire, ce travail m'obsède, littéralement.

− Val, chérie, calme-toi. Olivier peut le faire, il travaille dans un restaurant étoilé, murmure mon père lorsque je passe près de la cuisine.

− Sûrement pas ! Tiens, Oli rentre dans la cuisine et goûte-moi ça.

Je porte la cuiller en bois à ma bouche et c'est un véritable délice, comme je m'y attendais.

− C'est très bon, maman.

Elle souffle un coup avant de remuer une autre casserole.

− Ne reste pas là, hop, préparez-vous ta sœur et toi, me somme-t-elle à l'aide de son torchon.

Je grimpe deux à deux les marches qui mènent jusqu'à l'étage, je toque à la porte d'Annaïg et lui répète ce que notre mère a dit. Puis, je vais jusque dans la salle de bain et fais couler l'eau. De là, je retire un à un mes vêtements et me glisse sous l'eau brûlante. Les gouttes marquent mon corps au fer rouge çà et là. C'est plutôt agréable.

Après de longues minutes sous la douche durant lesquelles j'ai dû supporter les plaintes de ma sœur, je me suis décidé à sortir. J'essuie rapidement mes cheveux avant de nouer une serviette autour de ma taille, puis j'ouvre la porte.

− C'est pas trop tôt, grogne-t-elle.

− Tu me fais chier.

Je marche ensuite jusque ma chambre qui n'a pas changé depuis que je suis parti. Mes posters hideux sont toujours accrochés au mur, ma bibliothèque est toujours remplie de bouquins de cuisine et mes fringues sont toujours en bordel dans mon armoire. Je déniche tout de même ma chemise blanche, qui a miraculeusement été épargnée par les plis et la passe sur mes épaules. Si je ne mets pas de pantalon de costume, ma mère ne me laissera pas en vie alors j'enfile celui dans lequel je suis le plus à l'aise. Noir. Basique.

Du Bruit Dans La CuisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant