CHAPITRE QUATRE
Olivier.
Lundi 21 novembre.
9h23.
En me réveillant ce matin, j'avais eu la désagréable impression que cette journée s'annonçait pourrie. A commencer par le fait que j'étais persuadé d'être en retard, et cette idée ne me réjouissait pas du tout. En réalité, j'étais en avance sur mon timing et j'avais même eu le temps de faire mon lit. En arrivant au travail, après avoir subi les brimades et les paroles cinglantes de Linus, j'avais eu la confirmation que cette journée allait être pourrie. Il ne s'arrêtait jamais. Il avait besoin de me prouver sa place du plus fort, comme un lion sur sa savane, protégeant sa lionne – ici la cuisine, à moins que ce ne soit le chef Krakowski. Les vestiaires étaient vides, le reste de la brigade s'activait déjà dans la cuisine tandis que j'essayais tant bien que mal d'accrocher les boutons de ma veste.
Le sourire auquel j'ai le droit tous les jours par Matthieu est un véritable remède. Sa gentillesse à mon égard m'aide à ne plus faire les conneries du débutant que je suis. Sur le tableau des tâches, il est indiqué que je dois aller faire la mise-en-place, j'en ai pris l'habitude depuis un mois que je suis là. Je traverse donc la cuisine afin de rejoindre la salle, je passe devant le couple que forme le chef et Caroline, son sourire à elle est étincelant. Maryse m'attend déjà, les bras remplis de nappes, je m'empresse de l'aider et les dépose sur les tables vierges de toute décoration. Pour la première fois, je remarque qu'elles sont en bois et au vu de la couleur, je parierai sur de l'ébène.
« Depuis quand les nappes sont bordeaux ? demandé-je à Maryse.
Elle me sourit, je ne sais pas si c'est de la gentillesse ou un sourire pour excuser mon ignorance.
− Eh bien, le chef aime beaucoup changer de couleurs de nappes, d'après lui cela donne un autre regard sur le restaurant. Et puis, le bordeaux va avec la peinture des murs. »
A chacune de mes questions sur la décoration, Maryse me confie que c'est un choix du chef, c'est un véritable architecte d'intérieur. Il n'y a pas un sujet dans lequel il n'excelle pas ; peinture, pliage des serviettes, tableaux, cuisine. Il est le genre d'hommes à qui tout sourit. Il n'a pas trente ans, il est déjà doublement étoilé. Il est incroyable.
Les couverts ont également changé, je ne dois pas utiliser les mêmes que d'habitude. Les assiettes sont également différentes. Peut-être que l'on reçoit le Premier Ministre. J'ai lu dans les bouquins écrits par le chef qu'il ne faut jamais se reposer sur ses acquis, qu'il faut être en perpétuelle recherche, l'innovation se doit d'être constante, à commencer par la décoration, semble-t-il. Le téléphone n'arrête pas de sonner et Maryse court dans tous les sens, heureusement pour elle, elle est épaulée par deux autres serveurs. C'est un métier qui ne m'a jamais vraiment intéressé, ma maladresse aurait raison de mon travail et j'aurais été viré de tous les établissements où j'ai travaillé.
J'essuie un des couverts à l'aide d'une serviette, lisse une dernière fois la nappe et observe mon travail, satisfait. Je pose ensuite délicatement les verres sur la table en évitant d'en lâcher un au sol, le chef ne me le pardonnerait pas. Une fois que Maryse a validé mon travail, je retourne en cuisine aider Matthieu à découper je-ne-sais-quoi. Jane ne m'a toujours pas adressé la parole mais je ne m'en formalise pas, elle semble très attachée à ce travail. Carl, au contraire, est très amical avec moi, j'ai cru comprendre qu'il était le premier des commis à être arrivé ici. De son poste, Linus me jette un regard mauvais, prêt à me bondir dessus. Il n'a pas dirigé d'avoir fait la plonge hier, pourtant c'était très satisfaisant de le voir laver mes casseroles.
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Du Bruit Dans La Cuisine
RomanceParis, septième arrondissement, où la richesse, la luxure et l'envie trônent en maître. Entrez et poussez les portes de l'un des restaurants les plus huppés de la capitale. Paris, ville des amoureux. Où il suffit de deux prunelles anthracite pour...