CHAPITRE VINGT-CINQ
Andrev.
Vendredi 3 mars.
8h59.
Je glisse un tube de nicotine entre mes lèvres, un sourire à la con bouffant mon visage. C'est à ça que ça ressemble le bonheur ? Ça fait peur. Carrément flippant même.
Cette nuit a été particulièrement agréable. Particulièrement productive. M'en suis sorti avec une nouvelle recette toute fraîche dans le crâne. Bien sûr il a fallu que je la teste, ce qui explique que je n'ai pas dormi de la nuit. Outre mes cernes violacés, rien ne trahit ce manque de sommeil. Mes cheveux sont en ordre et les quelques poils de mon menton ont été rasés.
Irréprochable.
J'ai testé plusieurs variantes, souhaitant que cette recette s'approche de la perfection. Elle se doit de l'être, sinon je ne pourrai pas la foutre sur la carte. J'ai fait un détour par chez mon grossiste, lui demandant s'il pouvait m'obtenir de nouveaux ingrédients. Je lui ai carrément écrit la liste. Principalement des épices – mon pêché mignon.
En sentant une vibration, annonçant l'arrivée d'un message, j'attrape mon téléphone dans la poche intérieure de mon caban.
« Je te vois, hihiii 😉😉😉 »
Elle est pas morte, elle ?
Plus important, d'où elle me voit ?
Et là, je sens deux mains glacées recouvrir mes yeux. Son putain de rire de crécelle détruit mes tympans. La gaminerie dont elle fait preuve m'exaspère au plus haut point. Elle finit tout de même par retirer ses mains lorsqu'elle se rend compte que je n'ai pas envie de jouer.
Pas avec elle du moins. L'image de mon commis se fraye un chemin dans mon crâne mais je la repousse au loin.
Ce n'est pas le moment.
Un grand sourire barre son visage, la rendant encore plus stupide à mes yeux. Elle est emmitouflée dans une écharpe difforme. Elle semble avoir froid. Ou alors, elle fait semblant ayant l'espoir que je l'invite à boire un chocolat chaud quelque part. Je tire une latte de ma clope, tout en haussant les sourcils devant son attitude.
Qu'est-ce qu'elle me veut ?
« Je suis contente de te voir, commence-t-elle.
Ah. Pas moi.
Pour être tout-à-fait honnête, je l'avais complètement oubliée. Enfin, si on omet les messages qu'elle m'envoie à longueur de journée.
− Je m'en doute.
J'écrase ma clope sous mon talon. L'exaspération se lit sur mes traits fatigués. Elle ne s'en formalise pas, continuant de se triturer les doigts devant moi. Sans aucun doute, je l'intimide. Ce n'est pas aussi mignon que lorsqu'il s'agit de mon commis.
− Tu n'as pas répondu à mes messages, enchaîne-t-elle.
Je lâche un rire sarcastique.
− Et tu n'as pas tiré de conclusion ?
Immédiatement, ses joues s'empourprent. Elle garde son regard rivé sur le sol, probablement gênée par mon attitude. C'est dingue à quel point je m'en fous.
− Maintenant, je vais devoir te laisser parce que j'ai du travail. Bonne journée, Allison. »
Je remonte le col de mon caban et fais demi-tour. Toute trace de bonne humeur a disparu, laissant place à une espèce d'humeur morose. Je jette un coup d'œil à ma montre, je suis officiellement en retard. Et c'est inadmissible. J'hâte le pas, évaluant en même temps la distance qu'il me reste à parcourir.
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Du Bruit Dans La Cuisine
RomanceParis, septième arrondissement, où la richesse, la luxure et l'envie trônent en maître. Entrez et poussez les portes de l'un des restaurants les plus huppés de la capitale. Paris, ville des amoureux. Où il suffit de deux prunelles anthracite pour...