CHAPITRE VINGT-NEUF
Andrev.
Dimanche 26 mars.
19h04.
Les quelques mots de son message tournent en boucle dans mon esprit. Pense-t-il sincèrement que ses plus plates excuses puissent suffire ? Il se trompe lourdement.
J'ai la rancune tenace. Et coriace. Elle est mordante. Elle ressort toujours au bon moment.
Il a annulé notre rendez-vous.
J'étais déjà prêt. C'est assez stupide. Mais j'attendais l'heure idéale pour partir.
Puis mon portable a émis une vibration, atterrissant comme un foutu cheveu sur la soupe. Déception, ah ça ouais. Mais aussi une forme certaine de colère. Sourde, mais destructrice. Du genre à faire des coups par derrière.
Il est désolé. C'est bien, mais je m'en tamponne de ses excuses. Je l'imaginais déjà dans son nœud de papillon gris qui m'aurait rappelé sans grande peine, la couleur hypnotique de ses yeux. J'aurais pu le lui enlever. Qu'importe, il a annulé.
C'est ça qu'on appelle frustration ? C'est elle la responsable de nombreux maux ?
Je ne connaissais pas.
Alors, j'ai enlevé tous mes vêtements, gardant uniquement mon caleçon fétiche noir. J'en ai profité pour me glisser dans mes draps glacés, ouais à dix-huit heures. Un bras derrière ma nuque et mes pensées sont revenues au galop. Les vicelardes. Elles s'infiltrent dans chacune de tes failles. Elles te détruisent de l'intérieur.
Il est désolé. Mais pourtant, il ne juge pas utile de me donner une raison. Moi, j'aimerais savoir. Je meurs d'envie de savoir. En vérité, je veux savoir qui se cache derrière cette subite annulation.
A moins qu'il ne se soit rendu compte que j'étais un parfait connard. Ou peut-être que mon petit jeu l'a fatigué et qu'il ne veut plus me voir. Ou alors, c'est carrément les deux.
Je suis sorti de mon lit vingt minutes plus tard. De là, j'ai traversé mon appartement une bonne quinzaine de fois, histoire de me calmer. Sans grande surprise, cela n'a pas fonctionné. Nouvel échec cuisant. J'ai aussi allumé la télévision, souhaitant divertir mon cerveau devant des idioties – je ne sais même pas pourquoi je continue de payer l'abonnement. J'en ai profité pour déverrouiller mon téléphone toutes les trente secondes, ayant l'espoir qu'il me renvoie un second message.
Il ne l'a pas fait. Ce n'est pas une blague. Il a annulé.
Il est désormais dix-neuf heures, je suis accoudé à l'une de mes fenêtres malgré les températures, en train de griller une clope. La troisième si mes comptes sont bons. Il fait à peine nuit, alors je ne peux pas me délecter du spectacle que m'offre habituellement le bout rouge de ma clope. Soirée pourrie.
Alors, de nouveau assis dans mon canapé, j'hésite à appeler la personne qui supporte chacune de mes humeurs, sans poser de questions. Dimitri. Je sais pertinemment que c'est le seul qui serait capable de me changer les idées. Mais, en ai-je vraiment envie ?
Cependant, je me rappelle bien vite qu'il a annulé. Alors, j'ai bien le droit de me changer les idées. Je peux faire ce que je veux ce soir. A peine ai-je envoyé le message à mon meilleur ami, que sa réponse me parvient. Au moins, il n'est pas avec Kelly.
« Je viens te chercher dans dix minutes Drei, à toute. »
Avec une lenteur démesurée, je ramasse mes vêtements à l'entrée de ma chambre. Je n'ai pas spécialement envie de fournir un quelconque effort vestimentaire. La perspective de pouvoir ramener une femme dans mon appartement ce soir se retrouve finalement prégnante sur toutes les autres. Alors, j'enfile la tenue que j'avais initialement prévue. Nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne surprise.
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Du Bruit Dans La Cuisine
RomanceParis, septième arrondissement, où la richesse, la luxure et l'envie trônent en maître. Entrez et poussez les portes de l'un des restaurants les plus huppés de la capitale. Paris, ville des amoureux. Où il suffit de deux prunelles anthracite pour...