Chapitre un − Olivier Hauffman

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CHAPITRE UN

Olivier.

Vendredi 13 octobre.

6h08.

Je fixe le plafond blanc de ma chambre de bonne, ma mère n'est pas là pour me réveiller et l'odeur du pain ne chatouille pas mes narines. Je suis seul. Et cela m'effraie. Je ne suis pas un maniaque de l'heure, mais ce travail représente beaucoup pour moi. J'observe le paysage à travers la minuscule fenêtre, ce n'est pas la mer, ce ne sont que de vieux bâtiments gris. Je n'ai jamais été fan des villes urbaines. Je déverrouille mon téléphone, un message, de ma mère.

« Bravo mon choupinou, je suis si fière de toi, tout comme ton papa. N'oublie pas de te nettoyer le visage avec la crème que j'ai glissée dans ton sac. Sois poli et respectueux, comme je t'ai élevé. Profites-en pour te faire de nouveaux amis. Je te fais des poutous poutous. Ta maman qui t'aime. »

Je souffle d'exaspération et m'assieds sur le rebord du lit. J'ai besoin d'un café et d'une douche, brûlante. Je rejette le drap, enlève mon caleçon et marche jusqu'à la cabine de douche. L'espace est restreint et je me cogne sans cesse dans le mur en pente. Fais chier. Je déteste ce taudis. Après quelques minutes sous l'eau partiellement chaude, je sors de la cabine et enroule une serviette autour de ma taille. Je jauge du regard la valise, installée dans un coin de la pièce, tout en débattant sur la couleur de la veste à porter aujourd'hui.

Blanche ou noire ?

J'avise la blanche tout en enfilant mon caleçon et un Jean.

Mon appétit est inexistant, ma gorge est nouée et le liquide foncé du café a du mal à passer. Je croque sans grande conviction dans un morceau de pain, je remercie intérieurement ma mère d'avoir déposé du beurre demi-sel dans mon sac et enfourne le tout dans ma bouche. Les bouchées se ressemblent et n'ont aucun goût, la pression augmente d'un cran lorsque je vois les minutes s'égrener. J'effectue rapidement ma vaisselle tout en finissant mon café.

Je m'assieds une seconde fois sur mon lit, un livre de recettes entre les mains. Je me dois d'être irréprochable et je dois être capable d'effectuer n'importe quel classique - même un œuf dur. Naturellement, je viens gratter l'intérieur de ma paume gauche, signe évident de mon état avancé de nervosité. Je souffle bruyamment l'air comprimé dans mes poumons.

Pourquoi me suis-je levé aussi tôt ?

Il me reste une heure avant de partir, j'ai appris sur le bout des doigts le trajet que je dois prendre.

Après avoir nettoyé de fond en comble ma chambre, je me décide à partir. Je glisse mes clés, mon téléphone et les tickets de métro dans mon sac-à-dos. Je visse mon bonnet fétiche sur mes cheveux légèrement humides et récupère ma veste sur le dossier de l'une des deux chaises. Je claque la porte derrière moi et descends les quatre étages qui me séparent du rez-de-chaussée. Un sourire est placardé sur mon visage et j'aimerais témoigner ma joie à tous les passants, mais chez moi, on dit qu'ils sont désagréables et râleurs. J'ai très exactement treize minutes de marche avant la bouche de métro, treize minutes comme la date d'aujourd'hui, heureusement que je ne suis pas spécialement superstitieux.

Ou pas.

Je gratte une nouvelle fois l'intérieur de ma main, les mêmes questions tournent en boucle dans mon esprit embrumé par le manque de sommeil.

Et si je renverse une assiette ?

Et si je rate un plat ?

Et si le chef me haït ?

Du Bruit Dans La CuisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant