Chapitre dix-huit − Olivier Hauffman

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CHAPITRE DIX-HUIT

Olivier.

Mercredi 8 février.

8h07.

C'est la gorge nouée que je m'extirpe de ma couette, humidifiée par mon sommeil agité. Ouais, la nuit n'a pas été franchement réparatrice. Elle a même été plutôt courte. Je souffle et frotte mes yeux fatigués à l'aide de mes poings. Et pour la première fois de ma vie, je n'ai pas envie d'aller au travail. Je verse mon café dans une des tasses qui n'est pas encore sale et regarde le liquide noir se balancer sous mes yeux. Il est trop chaud pour être bu. Je marmonne dans ma barbe tout en retirant mon caleçon.

L'eau est brûlante. Les gouttes frappent mon crâne et mes boucles voilent mes yeux. En baissant le regard, je constate que les marques rosées laissées par Hugo ne sont toujours pas disparues. J'en dénombre au moins quatre. Je frotte ma peau comme si j'avais besoin de me purger, comme si j'avais besoin d'expier mes péchés, comme si j'avais besoin de faire disparaître les souvenirs de la veille. Les souvenirs de lui. Contre moi. Deux corps séparés par une barrière de tissu, ridiculement fine. Alors, je frotte, je gratte, ma peau se marque de traces rouges et je finis par accoler mon front à la paroi de la douche.

Devant ma valise, je trouve ma veste balancée négligemment hier soir, ainsi qu'un pantalon qui semble propre. Je me pose pas plus de questions, je n'en ai pas la force, et enfile le tout en observant mon reflet pitoyable sur le miroir accroché au mur. Mes cheveux ne forment qu'un sac de nœuds sur le dessus de mon crâne, alors je les cache sous mon bonnet avant de porter la tasse de café à mes lèvres. Il est désormais trop froid pour être bu. En pilote automatique, je le verse dans l'évier et me déplace pour prendre mon manteau. Par la suite, j'enfile mon sac-à-dos dont je resserre encore un peu plus les anses. Mes écouteurs profondément vissés dans mes oreilles, je suis prêt à partir.

A l'extérieur, je regarde pour la première fois de la journée l'heure. Pour quelqu'un qui ne voulait pas aller travailler, je vais me retrouver au restaurant en avance. Et donc voir le chef. Et devoir faire semblant que toute cette histoire ma passe au-dessus. Comme avec mes parents, je vais devoir jouer un putain de rôle pour lequel je ne suis pas fait ; celui de l'insensible. Je souffle un bon coup, une légère buée s'envolant dans les airs, et me mets en route jusqu'au métro. Les musiques tristes, influant un peu plus encore sur mon moral, défilent au même rythme que les souterrains parisiens. Elles parlent de cœurs brisés, de pleurs et d'amours disparues. J'ai le cœur au bord des lèvres. Je vais vomir.

Dans le métro, je me cache davantage sous mon bonnet persuadé que, de cette façon, mes pensées resteront impénétrables. Comme si un truc pareil était possible. Je lâche un énième soupir, sans doute l'action la plus réalisée depuis mon réveil. Enfin, si on ne compte pas les menaces faites à mon boss dans mon esprit, un peu tordu en ce moment. Je l'ai imaginé sans ses vêtements ! Secouant la tête, je retourne à ma contemplation des stations de métro qui défilent, bien trop vite à mon goût.

En sortant de la bouche de métro, je respire un bon coup et me mets en route jusqu'au restaurant. Je sais que le trajet est court et que donc, je n'ai pas beaucoup de temps pour tenter de devenir invulnérable aux yeux du chef. Je pense qu'il pourrait me donner des cours, vu ses capacités dans la matière. Heureusement, Pierre sera là aujourd'hui et un seul de ses sourires suffira à me mettre du baume au cœur. Il est une pilule de bonheur à lui tout seul. Un long frisson traverse mon échine lorsqu'une bourrasque s'infiltre dans mon manteau. J'ai froid. Et mon nez doit probablement être rougi, comme celui de Rudolf, le renne du Père Noël.

Devant le restaurant, un nœud prend place dans mon ventre. Mes jambes et leur aspect cotonneux ne vont jamais suffire à soutenir mon corps tout le long du service. Inspire. Expire. Et déglutis, autant de fois que nécessaire. Je lâche un nouveau soupir et pousse la porte de la cour intérieure du restaurant. A peine suis-je arrivé dans la cuisine, que le chef débarque de la salle, comme s'il était à l'affût. Néanmoins, je lis de l'étonnement dans son regard. Eh ouais, il est tôt. J'observe tout ce qui est à hauteur de mes yeux tout en évitant soigneusement son regard charbonneux. Invulnérable. Par respect pour son grade dans la cuisine, je le salue d'un léger hochement de la tête. Il ne semble pas s'en convenir. Qu'importe, je suis déjà en chemin pour les vestiaires.

Du Bruit Dans La CuisineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant