CHAPITRE TRENTE-ET-UN
Andrev.
Lundi 27 mars.
13h33.
Ce qui définit un grand chef n'est pas la taille de son restaurant. Ni celle de sa brigade. Ce n'est pas non plus son nombre d'étoiles ou de couverts. Non. C'est autre chose. Ce qui définit un grand chef est sa passion lorsqu'il exerce son métier. Il s'agit la taille de son cœur pour son travail.
Manque de pot, je n'en ai pas, alors je compense.
C'est principalement pour cette raison que je me balade dans la cuisine à chaque nouveau service. C'est également pour cette raison que je m'implique autant avec mes employés. Surtout avec l'un d'entre eux. Et maintenant, je sais qu'il s'agit de quelque chose de plus puissant qu'une simple relation professionnelle. Il est plus que cela.
Il se tient au fond de la cuisine, aux côtés de son pote le commis. Matthieu. Il quémande mon attention, mais je suis incapable de la lui donner. Tout simplement parce qu'après, je ne pourrai me décoller de son poste. Puis, il a annulé notre soirée et j'ai la rancune tenace. Il est resté avec sa sœur. La teigne. En pensant que de simples excuses m'aideraient à n'en avoir rien à foutre de son annulation.
Ce n'est pas le cas.
Je l'ai ruminé toute la soirée. Et maintenant que j'en connais la raison, j'en suis encore plus énervé.
Après avoir discuté des futurs desserts avec Ismaël, je tombe sur Maryse et son sourire. A la seconde où je l'ai vue, je l'ai engagée. Le restaurant était encore en construction, j'avais des projets plein la tête mais je savais que je la voulais. Et elle est venue. Alors, elle a mon entière confiance sur la salle. Je la laisse gérer les yeux fermés.
C'est mon Alain au féminin, maîtresse de la salle.
Lorsqu'elle m'annonce que notre client du jour – celui qui fête son anniversaire – a demandé après moi, je ne réfléchis pas plus longtemps et pose tout ce que je suis en train de faire. Non pas que j'étais foncièrement occupé, mais je sais qu'à chacun de mes temps libres, je retrouve mon commis et ce n'est pas forcément une riche idée.
Même si sa compagnie a un effet... calmant sur ma personne.
Sans peine, je trouve la table du client du jour. Ce n'est pas compliqué, c'est la mieux placée, près de la cheminée. Généralement, elle est réservée aux habitués. Ce n'en est pas un. Il n'a pas la tête de ces fils à papa que l'on trouve à la pelle dans le septième. Non pas que j'en ai quelque chose à foutre, tant qu'à la fin il paye son repas.
« Andrev Krakowski, chef de ce restaurant, me présenté-je en tendant ma main.
Avec un grand sourire, le client me serre la main. Il est blond, les cheveux coupés ras et des yeux bleus qui pétillent. Je ne sais pas pourquoi on fait tout un foin pour des yeux bleus. Vu d'aussi près, ça n'a rien d'exceptionnel.
− Bonjour, je connais l'un de vos employés, je voulais savoir s'il était possible de le voir quelques minutes.
Je plisse les yeux, fronçant au passage les sourcils. Il est assez jeune, alors il est probable qu'il souhaite voir l'un des jeunes membres de la brigade. Il n'y en a pas trente-six milles, seulement Linus, Matthieu, Carl et Jane.
Et Olivier.
C'est un non.
− Bien sûr. Qui donc ?
− Olivier. »
Évidemment.
Je n'aime pas la façon dont il prononce son prénom. D'ailleurs, je n'aime pas le fait qu'il prononce son prénom.
VOUS LISEZ
Du Bruit Dans La Cuisine
RomanceParis, septième arrondissement, où la richesse, la luxure et l'envie trônent en maître. Entrez et poussez les portes de l'un des restaurants les plus huppés de la capitale. Paris, ville des amoureux. Où il suffit de deux prunelles anthracite pour...