À Demi-Mort

Chapitre 13 #1

Dane Archer avait une voiture garée juste devant mon immeuble. Une sportive noire dont je n'eus pas le temps d'apercevoir la marque. Il me fit entrer rapidement dans l'habitacle et j'attendis qu'il prenne place au volant.

Waouh !

Ce truc avait un tableau de bord qui ferait frémir d'horreur un pilote de ligne.

— Vous comptez aller où comme ça ? demandais-je en m'agrippant au siège alors qu'il démarrait en trombe.

— Chez moi.

Pardon ?

— Chez vous ?

— Si vous connaissez le traître, alors il vous connaît aussi. Je préfère que vous soyez auprès de moi. Vous n'êtes plus en sécurité ici.

— Ça vous va bien de dire ça après deux mois d'absence, ronchonnais-je en regardant les immeubles défilés par la fenêtre. Vous étiez où tout ce temps, bon sang ?

Je ne comprenais pas d'où me venait cet étrange intérêt pour le vampire. Dire que je m'étais même inquiétée pour lui alors qu'il était au sommet de sa forme. J'avais tellement envie de le détester et pourtant je n'y arrivais pas.

— Vous n'avez jamais été seule, mes gardes vous suivaient nuit et jour. Moi aussi parfois, avoua-t-il après un court silence.

— Vos gardes et vous en personne hein ? marmonnais-je. Je me sens beaucoup mieux ! Quel honneur.

Je me doutais qu'il n'avait pas lâché l'affaire aussi facilement. J'appréciais qu'il tienne au moins l'une de ses promesses. Mais honnêtement, j'aurai préféré qu'il tienne l'autre : celle où il me donnait sa théorie sur mes origines et celle de la boule de cristal. S'il voulait de l'argent pour ces informations, ou autre chose, je lui donnerai. Mais le problème ne venait pas de là.

Je me fichais qu'il essaie de me protéger parce qu'il se sentait responsable de mon sort après m'avoir mise sous les yeux de Zephan, ou plutôt sous les yeux de sa taupe infiltrée chez Dane depuis je ne sais combien d'années.

J'en avais ma claque qu'il ne me dise pas pourquoi Le Phénix s'intéressait tant à moi. C'était probablement à ma boule de cristal qu'il en voulait. Mais j'aurai bien aimé savoir pourquoi. Qu'est-ce que pouvait bien être cet artefact pour intéresser un vieux vampire mégalo ? Et pourquoi ne m'avait-il pas attaquée pour le récupérer si c'est qu'il voulait ? Pour lui, il était certainement très aisé de braquer une banque pour le récupérer. Il devait avoir autre chose en tête.

D'un autre côté, j'étais toujours persuadée que Dane me voulait pour lui tout seul dans l'unique but de se servir de moi, ou de ma boule de cristal, le premier. Je détestais ces petites mesquineries entre vieux vampires. J'étais le dindon de la farce, tout simplement.

Pourtant, un doute s'était insinué en moi dès ma première rencontre avec Dane et il subsistait malgré toutes les questions que je me posais. Au fond de moi, mon coeur me poussait à lui faire confiance aveuglément, mais ma raison me disait de garder à l'esprit que les vieux vampires n'étaient pas du genre à se fier à leur coeur. Ils n'avaient pas vécu si longtemps en écoutant leurs pulsions.

En regardant son magnifique profil, mon coeur se pinça. Je sentais comme un lien entre nous sans savoir comment l'expliquer. Je l'appréciais malgré moi mais je luttais perpétuellement pour ne pas m'attacher à lui. C'était difficile mais nécessaire. J'avais déjà été chamboulée par son absence, je n'imaginais pas ce que cela donnerait si je le laissais entrer dans ma vie pour de bon et qu'il me trahissait. J'avais ouvert mon don tous les soirs pour sonder les environs tout autour de chez moi et je n'avais jamais senti le moindre vampire. Il me bloquait en connaissance de cause. Cela devait être épuisant de calfeutrer ses émotions constamment en ma présence. S'il avait voulu que je sache qu'il était là, il aurait fait en sorte de laisser filtrer son aura. Si proche de lui, dans l'habitacle exigu de sa sportive, je sentais le flux de son pouvoir. Il le contenait au maximum. S'il décidait de le laisser sortir dans toute sa puissance, je ne voulais pas être là pour regarder. Bien sûr, c'était le seul maître vampire que j'avais jamais rencontré, peut-être étaient-ils tous pareils. Mon pouvoir reconnaissait la force du pouvoir du vampire sans pouvoir le lire, c'était très déroutant. Comme sentir la brise sans en apprécier le parfum.