Chapitre 3 #2

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— Alors il t'a dit quoi le suceur de sang ? questionna Poppy, me sortant de mes pensées.

— Rien à part que mon sang serait létal pour les vampires. Il n'était pas sûre de lui. Ce qui est certain, c'est que selon lui, j'étais en danger. Il voulait que je le suive afin qu'il puisse me protéger.

— Mais bien entendu ! s'écria-t-elle, c'est beaucoup plus facile de te faire croire des choses pareilles. Il voulait t'enlever et te torturer. Il est louche ton gars, déclara-t-elle en sortant un paquet de gâteau d'un des placards de sa cuisine.

Poppy faisait partie de ces personnes qui disaient toujours, ou presque, le fond de leurs pensées. J'adorais ça. Avec elle, il n'y avait pas de place pour l'incompréhension. Tout était clair. C'était une fille simple, sans chichi, une bonne vivante. Elle me ramenait régulièrement les pieds sur terre et était la plus fidèle de tous mes amis. Je pouvais compter sur elle en toutes circonstances. Malgré tout, elle avait un sale caractère.

— Je l'ai sondé avec ma super empathie, il avait l'air sincère quand il disait qu'il voulait me protéger. Mais comment savoir s'il ne cachait pas ses sentiments grâce à un pouvoir vampirique quelconque ? demandais-je plus à moi-même qu'à mon amie.

— Franchement j'y connais rien à tes trucs mais si tu es un genre de parasite anti-vampire, tu vas devenir dangereuse pour eux et ils pourraient bien essayé de te tuer, me dit Poppy avec son sérieux habituel dès lors qu'il s'agissait d'un sujet important. Aller va t'assoir, je vais faire du thé, claironna-t-elle en se dandinant jusqu'à la bouilloire.

Poppy habitait le sud de Manhattan dans un bâtiment en briques rouges qui était probablement une usine avant de devenir un bâtiment remplis de petits appartements. La totalité de son studio ne devait pas dépasser trente mètres carrés. Elle avait une petite chambre accolée au salon, ainsi qu'une cuisine à l'américaine dans un renfoncement non loin de l'entrée. Une petite salle de douche au décors très basique se trouvait juste à côté de sa chambre.

Le canapé de couleur vert pâle sur lequel je m'assis se dépliait pour pouvoir dormir. Poppy l'avait acheté exprès pour moi car je venais souvent passé la nuit chez elle et elle en avait marre de devoir me gonfler un matelas, ou pire, que je dorme avec elle.

Mon amie sortit de la cuisine avec deux tasses blanches et fumantes qu'elle déposa sur la table en verre du salon. Poppy attacha ses cheveux auburns avec un élastique jaune fluo et s'assit en tailleur à côté de moi sur la banquette.

— Et sinon, il était comment ton vampire ?

— Oh tu sais, séduisant à se damner, ricanais-je en saisissant la tasse que Poppy m'avait attribuée.

Poppy leva les yeux au ciel en souriant, elle savait que j'avais vraiment des goûts horribles en matière d'hommes. Elle avait qualifié mon denier rencard de gnomes à grandes oreilles, tout ça parce qu'il était légèrement voûté et bedonnant. Son visage était pourtant plutôt plaisant, par contre j'étais d'accord pour les grandes oreilles.

— On me la fait pas White, accouches ! ordonna-t-elle.

— Ok mademoiselle Matsuda, je vais tout vous dire.

Poppy Matsuda avait un père japonais et une mère américaine, ce qui faisait un très beau mélange. Malgré sa petite carrure, elle était d'un dynamisme à toute épreuve. A la fois pragmatique et terre-à-terre, elle avait eu du mal à accepté mes origines douteuses et le monde magique. Aujourd'hui, elle était un peu plus ouverte aux étrangetés de ma vie et elle me rappelait à l'ordre quand mes divagations partaient trop loin.

Au bout d'un quart d'heure, je lui avais absolument tout dit de ma courte soirée plutôt haute en couleur. Ses yeux bridés me lançaient des éclairs. Selon elle, j'avais pris trop de risques. Jusqu'ici, je crois qu'elle ne s'était pas rendue compte de la dangerosité des vampires.

— Ce type a l'air louche, tu ne crois pas ? J'ai l'impression qu'il avait une idée bien précise derrière la tête quand il t'a dit qu'il voulait te protéger. Est-ce que tu penses que la boule de cristal bizarre que t'a légué ta Grand-mère est le genre d'artefact que les vampires apprécient tant ? Tu te rends compte qu'il aurait pu te torturer des jours entiers pour avoir la localisation de ce machin et te tuer ensuite.

Il est vrai que les vampires adoraient avoir en leur possession des objets magiques. Surtout ceux leur permettant d'avoir un pouvoir supplémentaire. J'avais entendu parlé d'amulettes de protection, de bracelets qui permettaient d'envoyer des boules de feu mais je n'avais jamais rien entendu sur des boules en cristal vivantes.

Au début, je m'étais fichue éperdument de cet objet et je l'avais presque oublié jusqu'au jour où les choses avaient changés. Mon sang non humain me tuait à petit feu. Il m'arrivait de faire des crises et d'être malade plusieurs jours d'affilées. Les tests à l'hôpital ne donnaient rien, tout paraissait normal. Les crises empiraient chaque année et s'espaçaient de moins en moins. Au début, je n'en faisais qu'une ou deux par an, aujourd'hui j'en faisais au moins une ou deux par mois, voire plus.

— Oui je sais, mais il me faut des réponses. Mon avenir est en sursis. Si je ne trouve pas très vite une solution à mes crises...

Je m'arrêtais de parler en respirant un peu plus fort, stoppant les larmes qui embuaient mes yeux.

— Je ne sais pas si je survivrais encore longtemps, repris-je. C'est de plus en plus violent à chaque fois, mon corps lâchera un jour où l'autre.

Nous discutâmes encore une bonne heure avec un peu plus de légèreté avant de décider d'aller se coucher.

Je me levais pour aller aux toilettes quand j'aperçus une queue touffue de couleur rousse à la porte de la chambre.

— Depuis quand t'as un chat toi ? Tu sais que ces bestioles me filent de l'urticaire ? m'écria-je devant le petit tas de poil machiavélique.

Poppy rigolait en voyant mon air outré mais je n'étais pas si heureuse qu'elle. Les chats me faisaient flipper. Ils avaient ce regard calculateur et vicieux qu'ont certain prédateur.

— Ne t'inquiètes pas, c'est le chat de ma soeur, je le garde pendant qu'elle est en vacances en Europe avec son nouveau mari. Le numéro trois a l'air mieux que les deux autres. Avec un peu de chance, ce mariage là durera plus d'un an.

La soeur de Poppy était une vraie délurée, tout le contraire d'elle. Le temps que je passe aux toilettes et que je me douche, mon amie avait déplié le canapé et mis les draps. J'avais enfilé un de ses pyjamas, il était un peu court mais j'avais l'habitude. Je devais faire au moins quinze centimètres de plus que Poppy.

Quinze minutes plus tard, nous étions toutes deux couchées, le chat enfermé à double tour dans la salle de bain. Je n'arrivais pas à me sortir Dane Archer de la tête. Dès que je fermais les yeux, son regard bleu nuit m'enflammait les sens. Même si Green m'avait parlé, à de nombreuses reprises, de la capacité qu'ont les vampires à ensorceler leurs victimes, je n'avais pas pensé que les effets seraient si dévastateurs sur moi.

Une part de moi savait que ce n'était pas dû uniquement au pouvoir d'attraction aphrodisiaque des vampires. Je n'avais été hypnotisée que quelques secondes avant que ma nature inconnue repousse le pouvoir du vampire.

Je l'avais trouvé magnifique, tellement beau que mon esprit me le rappelait sans cesse. Ma partie rationnelle criait au scandale, essayant tant bien que mal de m'avertir que ce vampire était le plus grand danger de ma vie. Pourtant, mon don avait décelé plusieurs contradictions. Il avait un goût sucré que je n'avais jamais senti sur aucun vampire. A force de les regarder dans les bars à Roses Rouges, j'avais pu m'habituer à leur aura particulière.

Et Dane Archer était différent. Plus nuancer que tous les autres vampires que j'avais aperçu jusqu'ici. Peut-être était-ce dû à son âge, les vampires anciens, les maîtres, avaient certainement développé des auras plus particulières que les vampires lambdas. Les jeunes vampires n'étaient rien d'autres que des humains se nourrissant de sang, plus sauvages et plus forts, certes, mais sans grand intérêt.

Je m'endormis en pensant à lui, laissant mes fantasmes irrationnels prendre le dessus. 

Après tout, cela n'avait jamais tué personne.

À Demi-MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant