Nous avions passé tout l'après-midi dans des bureaux où la chaleur était suffocante à cause des baies vitrées qui donnaient vers l'ouest. Il faisait singulièrement chaud pour un mois de novembre, même pour la Nouvelle-Orléans. Grâce à Luis, nous avions eu l'autorisation de feuilleter tout ce qui nous ferait plaisir. Comme il lui manquait beaucoup de personnel à l'approche de Thanksgiving, je soupçonnais qu'il se serve de nous pour résoudre son enquête.
Il faisait nuit depuis plusieurs heures et nous avions trouvé peu d'informations. La plupart des actes de propriétés avaient brûlé. Les propriétaires les avaient fait refaire mais les lieux avaient beaucoup changé depuis les incendies successifs qui avaient eu lieu à la fin du XVIIIème siècle.
Les terrains avaient été revendus selon des tailles différentes. Les maisons et immeubles n'avaient pas été reconstruits sous la même configuration. Il était donc difficile de savoir où regarder pour avoir notre réponse.
J'avais néanmoins retrouvé la sœur de Green, une certaine Emily Smith, nom de jeune fille Greenteeth. Elle avait une maison sur Dauphine Street entre Dumaine et Saint Philip Street qui avait brûlé en 1788. Après cela, il y avait un acte de vente pour le terrain. J'imagine qu'elle a dû en profiter pour déménager à cette date. Green ne m'avait pas dit qu'elle avait eu un mari. Elle avait peut-être également eu des enfants. Je me demandais ce qui avait bien pu lui arriver mais je résoudrai ce mystère plus tard.
Vers vingt-deux heures, je trouvais quelque chose d'intéressant et m'empressait de montrer le tout à Orpheus qui se tenait la tête des deux mains, penché sur un document dont l'écriture manuscrite paraissait illisible.
— Orpheus, appelais-je. J'ai trouvé quelque chose qui devrait nous concerner.
Il releva la tête, les yeux rougis par la fatigue et les heures de lecture minutieuse. Je devais avoir exactement le même visage que lui, les cernes sur ma peau blanche en plus.
Un terrain avait changé de propriétaire seulement trois fois en l'espace de deux siècles et demi. De plus, ce n'était pas des ventes immobilières mais des successions à intervalle de temps régulier. Tous les soixante-quinze ans environ, un document était signé. Étonnement, les noms des propriétaires consécutifs étaient des noms et prénoms très répandus aux États-Unis comme Jacob Johnson ou John Williams.
Il était courant de donner les prénoms des grand-pères et grand-mères aux enfants à cet époque, ce qui donnait, en général, des arbres généalogiques assez homogènes. Donc c'était suspect de trouver une succession avec trois noms et prénoms complètement différents.
Et comble de la bizarrerie, le style d'écriture était semblable et les signatures également. On aurait dit que la même personne avait signé sous des noms différents en essayant de modifier un peu son écriture.
Quand j'avais fait faire des tests par un graphologue sur la lettre qu'avait laissé ma mère biologique, je m'étais intéressée d'assez prêt à ces analyses scientifiques de l'écriture. À un moment de ma vie, c'était même devenu une obsession. J'arrivais donc à reconnaître les similitudes entre les mouvements d'écriture, la forme des lettres... Il était clair que les personnes qui signaient tous les soixante-quinze ans pour la succession de cette maison, étaient en fait la même personne.
Avec un peu de chance, il n'y avait qu'un seul vampire qui habitait ce quartier à la Nouvelle-Orléans. J'expliquais mon raisonnement à mon collègue qui était d'accord avec moi : c'était louche.
Nous avions pris le parti, avec Orpheus, d'aller enquêter sur place très tôt le lendemain matin. Nous allions profiter des rues désertes pour aller observer la maison. Quittant les bureaux du cadastre qui contenaient une paperasse incroyable sur les bâtiments de la ville, nous nous rendions à notre hôtel pour nous reposer quelques heures.
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À Demi-Mort
FantasiJ'étais une hybride. Moitié humaine, moitié je-ne-sais-quoi. Problème n°1 : ma moitié inconnue était en train de me tuer. Problème n°2 : j'ai eu le malheur de demander de l'aide à un puissant vampire aussi sexy que dangereux. Problème n°3 : je...