Chapitre 5 #1

375 46 16
                                    


Orpheus Baldwin était assis devant moi, un dossier conséquent en main. Le journaliste choisi pour partir la Nouvelle-Orleans n'était pas celui que j'attendais. J'aurais dû travailler avec Edmond Forks, avec qui j'avais déjà collaboré sur le dossier Van Helsing. L'avantage, c'est qu'il était vieux et pas du tout attirant donc il était très facile de se concentrer sur le travail. 

L'homme devant moi était afro-américain, mesurait presque deux mètres et avait un air autoritaire malgré un physique agréable. Avec mon petit mètre soixante-dix, qui en général n'était pas si petit, je paraissais minuscule. 

Le journaliste, qui venait de prendre un stylo attaché à son dossier, devait avoir la petite trentaine. Vu sa taille, il devait peser au moins cent trente kilos et même à travers son costume, je pouvais voir qu'il était composé uniquement de muscles. Pour honnête, il me fichait légèrement la trouille.

— Mademoiselle White, merci de me recevoir... s'interrompit-il quand je levais une main devant lui.

Sa voix de baryton, à la fois chaude et suave n'allait pas vraiment avec sa carrure. Pourtant, cela adoucissait quelque peu son expression impassible.

— Appelez-moi Aslinn, Monsieur Baldwin, dis-je d'une voix ferme et assurée en le regardant droit dans les yeux.

J'essayais de rester le plus professionnelle possible, ce type avait l'air d'être un modèle de droiture dans son costume noir. Il aurait très pu rivaliser avec l'Agent J s'il n'avait pas eu l'attitude de l'Agent K.

Orpheus sourit. Une pointe d'amusement éclaira son regard un instant avant de disparaitre totalement. L'enquête s'annonçait beaucoup moins divertissante qu'avec Forks. Au moins, avec lui, on buvait beaucoup d'alcool en fin de soirée et on plaisantait bien. 

Avec Orpheus Baldwin, la moindre goutte d'alcool serait interdite, j'en étais presque certaine. Et moi, ce que je préférais dans mes déplacements, c'était bien les soirées alcoolisées.

— Dans ce cas, appelez-moi Orpheus, dit-il simplement. J'ai ici toutes les informations recueillies lors de nos enquêtes préliminaires, reprit-il en entrant dans le vif du sujet. J'ai pris le relai du travail de Monsieur Forks. Le Freaky Daily pense, et je suis d'accord avec eux, que je pourrai récolter des informations précieuses à la Nouvelle-Orléans. Là-bas, mon beau-frère est inspecteur de police. Vous aurez également moins de mal à interroger les habitants. Sans vouloir vous offenser, les détectives ne sont pas vraiment les bienvenus.

Il avait l'air désolé de m'annoncer cela mais je comprenais son point de vue, on avait dix fois plus de chances de se faire assassiner quand on résidait à la Nouvelle-Orléans que partout ailleurs aux Etats-Unis. Inutile de se faire remarquer plus que nécessaire en se présentant partout comme journaliste ou détective. Je faisais entièrement confiance à Orpheus Baldwin pour dissuader les autochtones de nous chercher des noises.

Avec une population principalement afro-américaine, on s'intégrera plus au décors. Il était exact que Forks n'aurait été d'aucune utilité, c'était un gringalet d'une cinquantaine d'années, plus ancré sur la Lune que sur Terre. Les détectives et fouineurs dans notre genre n'étaient pas les bienvenus, par contre, ils adoraient les touristes. On devait certainement monter une stratégie là-dessus.

Un instant, j'eus envie de le sonder avec mon don pour savoir ce que ressentait mon nouveau collègue mais je m'abstins pour le moment. C'était comme une seconde nature pour moi mais parfois je préférais enfermer ce don à double tour. Il valait mieux ne pas tout connaître des gens. 

Je me souviens qu'un de mes ex éprouvait un tel sentiment de culpabilité qu'il m'avait été inutile d'attendre de savoir ce qu'il avait à me dire, il voulait me quitter. Par vengeance, je lui avais annoncé que je le quittais avant qu'il ne le fasse. Il avait ressenti un tel soulagement que je l'avais giflé avant de partir. Il aurait pu être triste, juste un petit peu.

À Demi-MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant