Il ne faut pas se mentir, on a eu grand mal à survivre à l'intégralité du repas entre les sous-entendus plus que coquins de ma grand-mère et les longs regards langoureux qu'elle jetait à un William complètement déconfit, il s'en est fallu de peu pour que ce dernier ne se réfugie pas sous la table.
Chance pour nous, on a le droit à une mi-temps au moment du dessert tandis qu'elle part le préparer dans la cuisine. William voit là, l'occasion parfaite pour rapprocher sa chaise de la mienne.
— Je sais de qui tu tiens maintenant !
— Crois-moi, elle n'a même pas encore commencé. Ce n'était que l'amuse-bouche là.
— Tu penses que si je me faufile discrètement vers la porte, elle me verra ?
— Je n'en sais rien, essaye.
Bien sûr qu'elle te verra. Ma grand-mère a des yeux partout, même derrière la tête.
Pourtant, il s'y risque malgré tout et se lève tout doucement afin de ne pas se faire entendre de ses vieilles oreilles et à peine a-t-il posé sa serviette sur la table.
— On peut savoir où tu vas ? Assieds-toi. Pour quitter la table, il faut demander l'autorisation. Petit malpoli.
— Oui madame. Pardon madame.
Il se ravise de suite et s'assoit sans se faire prier. On dirait un enfant pris en flagrant délit dans sa bêtise.
Que c'est drôle.
— Et puis madame ? Quel âge penses-tu que j'ai mon garçon ?
— Euh... Un certain âge ?
Aïe. Il ne faut pas dire ça malheureux. Tu risques de réveiller le dragon si longtemps endormi à l'exemple des hobbits.
— Un certain âge ? Un certain âge ? Tu ne manques pas de toupet ! Je suis encore une jeune demoiselle pleine de vie !
Ah ça, pour être pleine de vie... Elle l'est. Maman dit souvent que Mamie est comme les cafards et qu'elle survivrait au reste de l'humanité s'il devait y avoir une fin du monde. Je ne peux que la croire sur ce point-là.
— Je ne voulais pas vous contrarier. Excusez-moi.
— C'est ça. Bon, j'apporte le dessert.
J'ai réellement envie d'exploser de rire et vous ne pouvez pas imaginer le supplice que c'est de devoir se retenir.
Ma grand-mère ne fait pas de différence, même si je suis sa chair et son sang. Si je ris aux dépens de William, elle ne me loupera pas et nous mettra tous les deux dans le même panier.
Elle sort alors deux assiettes, pour elle et moi, tandis que William regarde amoureusement le gâteau qu'elle apporte.
— Toi, tu n'as pas fini ton assiette. Tu es privé de dessert.
Trop c'est trop.
J'éclate de rire, m'esclaffant sans crainte comme si je me suis trop longtemps retenue jusqu'à présent. On dirait une bouteille de coca que l'on aurait trop secouée et que l'on ouvre d'un coup.
— Marguerite ? Pourquoi tu rigoles comme une baleine ?
C'est disgracieux pour une fille de rire ainsi. Un peu de tenue.
Vlan ! Dans les dents.
— Vous les jeunes, aucune éducation.
En même temps, tu as élevé maman comme une spartiate et elle en a fait de même avec moi.
— Vous mériteriez de passer la soirée ici pour que je puisse recadrer tout ça
William et moi avons alors le même regard empli de peur à l'idée de devoir rester là ce soir. Il en est hors de question. J'adore ma grand-mère, mais rester ici pour la nuit, c'est prendre le risque de ne jamais plus pouvoir repartir !
— Tu sais mamie, on a vraiment beaucoup de travail et...
— À d'autres hein ! Vous voulez de l'intimité pour vos parties de jambes en l'air.
Quoi ? Non.
Pour une fois que je suis sérieuse. Je dois réellement finir de taper mon rapport de stage et William doit s'occuper de ses manuscrits.
— J'ai une chambre d'invité. Bon les murs ne sont pas totalement insonorisés alors vous essayerez de faire ça discrètement.
C'est dégoûtant. Je préfère ignorer ce que je viens d'entendre.
— Comme si c'était possible d'avoir un mode silencieux.
— Je t'ai entendu Marguerite !
Encore heureuse !
— C'est gentil, grand-mère, mais vraiment, cette fois, nous devons refuser.
— Donc tu oserais abandonner une pauvre vieille dame à son triste sort ? La laisser toute seule ? Là ? Dans son coin ? Ah non. Je ne connais que trop ce qu'elle essaye de faire.
Ça ne prendra pas ! Ça ne prendra plus !
— Mamie ?
— Quoi ?
— Arrête ça. Ça ne marchera pas.
— Qui ne tente rien n'a rien, hein ! Mais je comprends.
Vous devez filer.
Hallelujah !
— Néanmoins !
Merde.
— Vous reviendrez... Tous les deux. C'est une obligation.
Et la liberté de choix, elle connaît ?
— Bon. Pourquoi vous êtes toujours là ? Je croyais que vous deviez partir. Allez, zou ! Sortez de chez moi. Limite, on est mis à la porte.
On attrape nos affaires, je fais une bise à ma grand-mère et une fois dehors, j'ai l'impression de voir William revivre.
— Libéré.
— Délivré ?
Il me regarde avec un demi-sourire tandis que je hausse les épaules.
Elle était facile celle-là.
— Du coup ?
— N'y pense même pas.
— Tu ne sais même pas ce que j'allais dire.
— Tu crois que je ne te connais pas maintenant ? Ma grand-mère t'a mis des idées en tête et je te vois venir. Gros comme un nez au milieu de la figure.
— Tu vas me dire que tu n'es pas intéressée ? Je croyais qu'il fallait prouver à ta grand-mère qu'au lit t'étais...
Quoi ? Mais je n'ai rien à lui prouver à cette vieille croûte ! Surtout pas mes performances sexuelles !
— Pas ce soir. Je crois que je vais juste rentrer et faire le burrito sous ma couette. Ces derniers jours ont été assez intenses comme ça. J'ai besoin d'un temps mort.
Si je m'écoute, j'ai même besoin de vacances. Loin du monde.
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Le voisin d'à côté - Tome 1
RomanceStagiaire discrète le jour, Marguerite change d'identité à la nuit tombée en devenant Fleur, plume secrète qui narre des récits érotiques sur internet. Sa double vie est bouleversée par l'arrivée d'un nouveau voisin aussi agaçant que bruyant : entre...