Chapitre 36 ~ Faire pipi dans les violons

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Les trois jours au salon ont été intenses pour tout le monde et le voyage retour tout autant. Honnêtement, je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas à tout ça et surtout, je ne pensais pas que William s'en sortirait aussi bien avec Rose. Je dois le reconnaître, à eux deux, ils forment une excellente combinaison. Ça fait mal de le dire, mais ça doit être dit.

L'actrice, l'écrivain et l'éditeur. Vous parlez d'une équipe de nouilles.

Néanmoins, l'entourloupe a marché, et ce, avec un grand succès donc, on en est tous ressorti plus ou moins contents et satisfaits, moi la première.

— Marguerite ! Je mets la bleue ou la rouge ?

Je le regarde à travers l'encadrement de la porte tandis qu'il cherche désespérément une chemise à se mettre.

Il ne semble pas à l'aise, mais plutôt paniqué. Pouvais-je lui en vouloir ?

Ce soir, c'est repas chez mamie.

— La rouge.

— T'es certaine ?

— Je ne suis pas Cristina Cordula non plus.

Il s'avance dans une démarche digne des défilés de mode et agite sa main avec une mimique efféminée et me glisse en tentant de garder son sérieux.

— Ma chériiieee !

Je ne peux que rire devant une telle imitation aussi ringarde que grotesque. Cristina est unique, il n'y a qu'elle pour faire ce genre de chose.

— Et dépêche-toi, sinon, on va finir par être en retard !

— Mieux vaut arriver en retard... Que moche.

Pas faux. Enfin, lui il peut s'améliorer, moi j'ai cette tête-là depuis tellement longtemps qu'il est impossible de faire de la vilaine chenille, un beau papillon. Même les experts de Relooking Extrême » ont jeté l'éponge.

— C'est bon, je suis prêt.

Crois-moi, tu n'es pas prêt.

Personne n'est prêt pour ma grand-mère. C'est le genre de personne qui vous passe sur le corps comme un bulldozer le ferait : avec grâce et sans aucune pitié. Je ne sais toujours pas pourquoi elle a voulu que j'emmène William, elle ne l'a théoriquement rencontré que deux fois au détour du couloir de l'immeuble. Peut-être qu'elle est comme Madame Jolop, totalement sous son charme ?

Désolée Mamie, mais William, c'est un peu mon Kinder. Je ne le partage pas.

Surtout pas avec toi.

Je sonne à la porte de sa maisonnée tandis que William s'agite à côté de moi, anxieux comme je l'ai rarement vu dans ma vie. C'est assez amusant en fait. On dirait presque qu'il cherche un trou de souris pour foncer dedans, tête la première.

— Détends-toi, elle ne va pas te manger ma grand-mère non plus !

— Et pourquoi pas ? J'en ferais bien mon goûter moi du petit jeune !

Sa voix légèrement grave, due à ses nombreuses années de fumette, nous surprend tous les deux tandis qu'elle se tient là, sur le seuil de sa porte, nous dévisageant.

— Mamie ! Quel plaisir !

Ma grand-mère est certainement la personne que je redoute le plus dans ma famille. Elle est totalement cette personne que l'on rêve toutes de devenir. Une personne sans complexes, qui dit ce qu'elle pense quand elle le pense.

— Alors, il est venu finalement ! C'est chouette ! Entrez les enfants.

On la suit tandis que William prend grand soin de rester bien derrière moi comme si je lui servais de bouclier.

Ça en devient ridicule de le voir ainsi. Risible même.

— Faites comme chez vous. Marguerite chérie, tu mets la table ?

Parce que t'as cru que j'avais 7 ans pour mettre la table encore ?

— Oui.

Courageuse, mais pas téméraire la pâquerette.

— Assieds-toi, mon petit, je ne suis qu'une pauvre et innocente vieille dame.

Tu parles. Innocente, mes fesses oui.

Ma grand-mère est peut-être le point de départ de la création de Fleur.

Voyant un SOS clignoter dans les yeux de William, je lui réponds par un timide sourire tandis que je m'affaire autour de la table, sortant les assiettes et les couverts du buffet.

— Alors ? C'est toi qui trempes ton biscuit dans ma petite fille ?

J'entends la toux grossière et faussement imitée de William tandis que les assiettes ont failli m'échapper des bras.

— Mamie !

— Bah quoi ? C'est bien à lui que tu tailles une pipe non ?

— Mamie ! Arrête ça !

— Rooh voyons ! Le sexe n'est pas un sujet tabou, c'est bon hein !

— C'est hyper gênant et puis ça ne te regarde pas d'abord !

Mêle-toi de tes affaires.

Elle détourne les yeux pour les plaquer sur un William s'enfonçant de plus en plus dans le vieux fauteuil de ma grand-mère. S'il pouvait pénétrer dans la mousse et s'y cacher, je suis certaine qu'il le ferait.

— Tu n'as pas répondu à ma question.

Je pourrais faire pipi dans un violon que ça serait pareil avec cette vieille chouette.

— C'est que... en fait...

— Tu rougis. Pourquoi tu rougis ? Tu as honte ? Ma Marguerite n'est pas assez bien pour toi ? Ou alors au lit c'est nul ?

— Mamie ! Ça suffit maintenant !

Je suis une bête au lit en plus ! Dans le genre paresseux.

Je peux dormir vingt-deux heures d'affilée sans aucun problème alors maintenant, on arrête ça !

— Bon, puisqu'on ne peut pas discuter dans cette famille, passons à table. J'ai fait des saucisses lentilles ! Tu aimes la saucisse William ?

— ON ARRÊTE, J'AI DIT !

On s'installe tous les trois à table et tandis que je fais le service, ma grand-mère se permet de fixer William qui fait tout ce qu'il peut pour éviter son regard. Actuellement j'éprouve presque de la pitié pour lui.

Presque.

— Sinon ? L'arrière-petit enfant... C'est pour quand ?

On s'étouffe maintenant ou on attend ?

Le voisin d'à côté - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant