Chapitre 16 ~ Cochon pendu

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Les jours qui suivent sont étrangement calmes. Calme dans le sens inquiétant. Il n'y a plus une seule note de musique qui résonne à travers mon mur et pas une seule fois en quatre jours, je n'ai revu le visage de William que ce soit à sa porte ou sur le balcon.

— Madame Jolop, vous ne sauriez pas où est William ?

— Willy ? Siiii ! Le petit m'a dit qu'il partait à un salon pour quelques jours. Il devrait rentrer ce soir. T'inquiéterais-tu pour lui ?

— Non ! Pas du tout !

Un tout petit peu. Vraiment, un tout petit peu. Je pense avoir dit quelque chose de travers et je me sens dans l'obligation de clarifier la situation même si je ne sais pas comment être plus précise. J'ai dit tout ce que j'avais à dire. Je ne regrette pas cette partie de jambes en l'air avec lui, non, mais je me rends compte qu'il est évident que ma plainte porte sur quelque chose d'autre... que je ne sais définir pour le moment.

Quelques heures plus tard, j'entends quelque chose glisser sous ma porte. Un dossier. Un dossier rouge avec un post-it en forme de smiley souriant.

— Qu'est-ce que c'est que ça ?

Pour Fleur, dossier D.A.

J'ouvre la porte et vois William, un léger sourire aux lèvres. Sa chemise est à moitié déboutonnée au niveau du col et sa cravate pratiquement défaite. Ses manches retroussées laissent apparaître ses doigts tachés d'encre.

— Dure journée ?

— Tu n'imagines même pas.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Un cadeau. J'y ai pensé pour toi.

Adossée à ma porte je découvre avec surprise ce que signifient réellement les initiales D.A.

— Doubleur Anonyme ?

— Comme tu ne veux pas te faire connaître du monde, mais que le monde veut te connaître, je me suis dit qu'embaucher quelqu'un se faisant passer pour Fleur serait plutôt une bonne idée, non ? Les gens ont envie d'avoir leurs livres dédicacés, de rencontrer les auteurs aussi. Je respecte ta volonté et ton désir d'anonymat, mais si tu veux te faire une place dans ce monde, il faut ruser.

Je ne sais pas si je dois me sentir honorée d'une telle proposition ou bien si je dois me sentir outrée qu'il puisse songer duper mon lectorat avec une doublure.

Voyant que je commence à me terrer dans mon silence, il me colle un autre post-it sur le dossier.

Penses-y.

— Bon je rentre, je suis lessivé. J'ai couru partout ces trois derniers jours. Envoie-moi un mail quand tu auras pris une décision.

Et je reconnais en lui, à ce moment-là, l'éditeur attentionné qu'il a toujours été. Mais il a raison, je dois l'envisager. Je veux dire, je n'ai jamais imaginé une seule seconde que mon incursion dans le monde littéraire puisse prendre autant d'ampleur et maintenant que j'y suis, maintenant que je suis à un doigt de réussir parfaitement en tant qu'écrivain épanoui, je ne peux contourner l'évidence même.

Il faut que Fleur rencontre son public.

Puis sa phrase m'est revenue en tête « Envoie-moi un mail quand tu auras pris une décision ».

Comment ça « envoie-moi un mail » ? Parce qu'il croit que je vais me casser le cul à lui écrire exprès ? Pas question mon coco ! Alors, là. Je vais venir te trouver personnellement. Si lui peut passer entre deux balcons, y a pas de raison. Tout le monde à la même enseigne.

Le voisin d'à côté - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant