Le voisin d'à côté - Tome 1

Chapitre 10 ~ Pousser mamie dans les orties

Au bulletin météo, ils ont annoncé des éclaircies pour le week-end, pile poil pour la réunion des voisins et je suis à deux doigts de lancer une soirée karaoké pour empêcher ça. De toute façon, c'est bien connu, je chante mal. Pas faux, non, juste mal. Je me dis qu'avec un peu de chance si je le fais jeudi soir, même sous ma douche, la pluie continuera à sévir jusque dans le week-end et ça empêchera Madame Jolop de sortir les cartes de Belote.

— Oh ! Marguerite ma chérie ! Attends ! En parlant du loup ...

— Dis-moi, est-ce que tu pourrais déposer ça chez William ? Le pauvre, j'ai appris qu'il avait une mauvaise grippe et qu'il n'a pas quitté son appartement depuis trois jours.

Joie et bonheur, il est en train de mourir agonisant dans d'atroces souffrances.

Ironie bonjour !

— Euh...Je ne suis pas certaine de...

— Tu dois juste le lui déposer. S'il te plaît !

Je rêverais de lui dire « non », mais comment dire « non » à une vieille femme tremblante sur sa canne ? Je prends alors le petit sachet et la gratifie d'un sourire, lui assurant que j'allais faire la commission. Avant même que je n'atteigne le seuil de la porte d'entrée, j'entends un éternuement qui aurait pu réveiller un mort. Je présume qu'il est bel et bien là. J'aurais aimé le contraire. Je frappe deux coups, cette fois délicatement pour faire en sorte qu'il ne m'entende pas, mais il finit quand même par m'ouvrir.

— Vous faites peur.

Les yeux rouges gonflés, le nez coulant, reniflant toutes les deux minutes, il me dévisage comme si c'était la première fois qu'il voyait un autre être vivant de toute sa vie.

— Madame Jolop m'a donné ça pour vous.

Il prend le petit paquet et dans un sourire amusé.

— Vous n'êtes peut-être pas EDF, mais vous êtes au moins La Poste. Vous vous êtes reconvertis ?

Si ce n'était pas pour cette vieille bique, même pas je serais venue jusqu'ici.

— Bon, j'ai fait ce que j'avais à faire. Bonne soirée !

— Oh, mais ne vous fâchez pas !

— Je ne suis pas fâchée !

— Si vous l'êtes.

— Non, je ne le suis pas.

— Si.

— Non.

— Si.

— Non !

Bon, je le suis. D'accord, mais en même temps, à qui la faute ? Il le fait exprès de me sortir de mes gonds et moi je tombe dans chacun de ses pièges. À croire que j'ai des tendances sado-maso refoulées et que j'aime le bâton pour me faire battre.

— Dites...Vous ne souhaitez pas m'aider ? Je veux dire, c'est un assortiment de légumes pour potage.

— Et ?

— Je ne sais pas cuisiner.

On a tous vu cet extrait du « Chat Potté » où il fait de gros yeux ronds larmoyants pour s'attirer la sympathie des gens. Eh bien je constate avec stupeur que mon voisin est capable de reproduire exactement la même chose.

Sauf que ça ne prend pas sur moi.

— Démerdez-vous.

Choqué que je refuse sa demande, il s'avance vers moi tentant tant bien que mal de me bloquer l'entrée de mon appartement.