Il n'y a pas une note de musique qui s'évade de toute la soirée. Pas un seul bruit, même l'oreille plaquée contre le mur de ma chambre. Alors, il est mort hein ? Tant pis. C'était un adversaire redoutable, mais je savais que je finirais par avoir le dernier mot. J'en suis intimement convaincue. Je m'installe donc dehors, le sourire aux lèvres, regardant la pluie arroser ce qui reste des passants en bas de la rue et sors mon carnet.
— Vous écrivez quoi ?
— Votre éloge funèbre.
— Oh.
Je réponds naturellement, sans réellement prêter attention à la voix qui vient de m'adresser la parole quand soudain, je le vois s'installer à son balcon, enroulé dans sa couette, une tasse de café à la main.
— Vous n'êtes pas mort. Fausse joie.
— Je peux lire ?
— Non
— C'est quand même à mon propos. Je ne savais pas que vous écriviez d'ailleurs ! Faites voir !
Merde.
— Non !
Je balance le carnet dans la chambre, quelque part pour m'en débarrasser rapidement tandis qu'il aborde une moue boudeuse. Il ne manquerait plus qu'il sache la vérité.
— En tout cas, merci de m'avoir ramené.
— Qui a dit que c'était moi ?
— J'ai bien senti vos petites mains baladeuses.
Il a un air lubrique tandis que mes joues prennent feu. Pervers jusqu'au bout. J'aurais dû le laisser faire la serpillière au sol.
— Vous me dégoûtez.
— Roh ! C'était pour la blague.
— Elle n'est pas drôle.
— Sérieusement, laissez-moi vous remercier. Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?
— Que vous déménagiez ?
Je peux toujours essayer, c'est comme croire au Père Noël, je sais que c'est un fait très improbable.
— Dans vos rêves.
— Dans ce cas...
— Un dîner ? Que dites-vous d'un dîner ?
— Parce que vous savez cuisiner ?
— Non, mais je suis très habile avec un téléphone.
Autant m'inviter au restaurant au lieu d'appeler un livreur. Espèce de fainéant.
— Alors ?
— Non merci. Je suis allergique à toutes sortes d'aliments.
Vous pourriez trop facilement m'empoisonner à mon insu. Mensonge. Je ne suis allergique qu'aux fruits de mer théoriquement.
— Eh bien faites-moi une liste de ce que je dois éviter.
— Vous ne savez pas quand lâcher l'affaire vous, n'est-ce pas ?
— Apparemment ma détermination et mon entêtement sont plus un atout qu'un défaut, mais bon...
— Et quand une femme vous dit « non » ?
— Généralement je me retire, mais vous n'êtes pas une femme.
Je ne sais pas comment le prendre. Ça reste une insulte pour moi, même si j'essaye de le tourner autrement. J'oublie qu'à ses yeux, je suis un monstre. C'est vrai.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire. C'est juste qu'on a sympathisé vous et moi, non ?
— Plutôt mourir du choléra que de sympathiser avec vous.
— Toujours aussi susceptible hein ?
— Toujours aussi idiot pas vrai ?
— Hé ! J'ai essayé d'être gentil et de vous inviter une seconde fois ! C'est vous qui faites la sorcière et...
Je me relève brutalement, manquant de glisser sur le petit rebord mouillé du balcon tandis que je me rattrape de justesse.
— Si je suis une sorcière, vous n'êtes qu'un vilain crapaud !
— Ouais, mais si on m'embrasse, je deviendrais un prince charmant.
— Vous êtes tout sauf charmant !
Refermant sauvagement la baie vitrée, je prends le premier oreiller que j'ai sous le coude pour crier dedans. Sale type ! Après ce que j'avais fait pour lui ? C'est comme ça qu'il me remercie ? La prochaine fois, je le laisserai mourir dans l'ascenseur, ou aux bons soins de Madame Jolop. Je suis certaine qu'elle rêverait de s'occuper personnellement d'un petit jeune.
Le lendemain matin, botte aux pieds, je m'apprête à sortir, je découvre un paquet sur mon paillasson. Je crains que ce ne soit une farce de ces gamins encore. Les colis piégés ils font bel et bien partie de leurs supercheries habituelles. Attrapant la chose suspecte avec la pince à spaghetti, j'ouvre le contenu pour découvrir une sorcière sur son balai en porte-clés avec un mot à l'intérieur.
« Sorcière, sorcière...Fais gaffe à ton derrière. »
Ne me dites pas que...
— MON DERRIÈRE VA TRÈS BIEN !
Et j'espère qu'il l'entend, car je ne le répète pas.
Néanmoins, je trouve le portrait assez ressemblant malgré la peau toute verte et le nez crochu. Je l'accroche alors à mon trousseau de clés, qui était plus un trousseau à porte-clés.
Ce n'est qu'une fois au bureau qu'on remarque quelque chose de différent chez moi.
— Tu as l'air heureuse aujourd'hui Marguerite.
— Pas particulièrement.
— J'ne sais pas, y a un truc qui change.
— Tu te fais des idées... Bon, je peux bosser ou tu vas continuer à m'observer à la loupe ?
— Hmmm...Je maintiens. Y a définitivement un truc qui tourne pas rond.
Non. Tout va bien. Vraiment. Je présume que c'est sa façon de faire amende honorable. C'est un début. Je peux l'accepter. Mais ça n'ira pas plus loin. Hors de question. Ce type est trop « sans gêne » pour que je le laisse pénétrer ma vie. Il pourrait découvrir bien des choses et notamment une en particulier et je ne tiens pas à ce que ça se sache.
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Le voisin d'à côté - Tome 1
RomanceStagiaire discrète le jour, Marguerite change d'identité à la nuit tombée en devenant Fleur, plume secrète qui narre des récits érotiques sur internet. Sa double vie est bouleversée par l'arrivée d'un nouveau voisin aussi agaçant que bruyant : entre...