Les journées s'enchaînent. Ma routine commence à s'installer, doucement mais sûrement. Le matin, on me réveille en tapant sur ma porte. Jaïna, la fille brune, m'accompagne alors jusqu'au terrain d'entraînement. Lors de ces moments, j'ai fait sa connaissance, petit à petit. Elle est la fille de Carl. Je la trouve sympathique. Elle respecte mes silences de mauvaise humeur, ou bien mes coups de blues lorsque je repense à Lorraine, dont je n'ai aucune nouvelle. Lorsqu'elle me quitte avec un signe de la main et un sourire railleur, je commence à m'entraîner avec Zag. Il m'enseigne ce que je dois savoir pour survivre. Me battre et maîtriser Morrigan, qui se fait de plus en plus présente et insistante. Mes oreilles n'ont pas disparu, à ma plus grande honte, et je dois faire attention lors de mes coups de brosse le matin. Qui aurait cru que ces bouts de cartilage étaient si sensibles ?
Après cet entraînement en matinée, je dîne dans le cabanon avec Nora, parfois Jaïna nous rejoint. Après le repas, Nora et son amie me parlent de la meute, de notre espèce fascinante. J'écoute avec attention ce qu'elles me disent, car pendant mon enfance je ne savais de ma nature que ce qu'il m'arrivait sans comprendre. C'est si excitant de connaître tant de choses !
La fin d'après-midi se passe entre un repos de courte durée et la rencontre de quelques membres de la meute qui viennent dans le cabanon, plus pour parler avec Nora et voir la tête de la nouvelle qu'autre chose. Ensuite, le soir, je retourne m'entraîner avec Zag, mais pour un entraînement différent. Il m'emmène dans la forêt, non loin de la clairière où la meute vit. Il m'enseigne ce que sait une louve lorsqu'elle grandit dans une meute. Ce que, moi, je ne sais pas, et ce que tout le monde, sauf moi, sait. Il me fait travailler deux fois plus dur que ce qu'il demanderait pour quelqu'un d'autre, tout simplement parce qu'il me manque certains instincts. Il faut que je rattrape mon retard de quinze années...
Après cet entraînement, je rentre dans le cabanon, et mange avec Nora, puis nous allons nous coucher.
Je m'adapte bien au rythme de ces journées éprouvantes. Mais, une fois au calme dans mon lit, la fenêtre laissant entrer les rayons de lune, un petit mot rôde dans mon esprit.
Pourquoi ?
Ce simple mot, je peux le mettre devant tant de questions que je me pose. Pourquoi m'a-t-on laissée dans l'ignorance de ma nature, alors qu'un membre de mon ancienne meute aurait dû me recueillir et m'élever, comme l'honneur l'aurait voulu ? Pourquoi suis-je si surprenante lors des entraînements ? Pourquoi Zag semble-t-il me cacher quelque chose, et retient-il ses mots quand je l'interroge sur ma curieuse aptitude à reproduire presque parfaitement ses mouvements après une seule démonstration ? Pourquoi ces deux perles d'argent me suivent tout au long de la journée ?
Je les aperçois partout. Dans le buisson près de l'espace d'entraînement. Derrière le cabanon. Dans un coin de mon champ de vision. Mais à chaque fois que je me tourne pour regarder, ces lumières ont disparu. Je ne l'ai dit à personne, je n'ai pas envie de me faire passer pour une folle. Mais ça m'intrigue, j'ai envie de savoir. Je les vois au moins une fois par jour, depuis la première fois, le jour de ma sortie de cage.
Après m'être tournée et retournée sur le matelas, je m'endors, prête le lendemain pour une nouvelle journée.
Un coup sur ma fenêtre me fait ouvrir les yeux. Je me lève en grommelant et l'ouvre, m'apprêtant à renvoyer Jaïna comme chaque matin. Mais la personne que je vois en dessous, est un jeune homme que je n'ai jamais vu. Sa tête est baissée, et je ne vois que ses cheveux, brun foncé tirant vers le noir. Alors que je le fixe, il passe une main dedans en levant le regard.
Je suis figée de stupeur. Ses yeux... Ils sont gris argent. Ce sont les mêmes que ceux que je vois chaque jour, à m'épier !
Ma tête doit être hilarante, puisqu'un sourire en coin apparaît sur ses lèvres.
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Prédation, L.1 : La dernière Louve Supérieure [FINIE]
Hombres LoboOrpheline et violente, Lyka est une fille sombre, de celles qu'on n'approche pas et qui mettent au tapis ceux qui tentent de le faire avec de mauvaises intentions. Mais malgré cette apparente banalité, la jeune fille sent que quelque chose est diffé...