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Mes pattes commencent à me faire mal, tant la distance que nous sommes en train de parcourir à la poursuite de l'odeur de Jaïna se fait longue. Kelian passe son temps la truffe au sol, et je surveille les alentours. Il est plus doué que moi pour repérer l'odeur de sa sœur après tout.

Les feuilles vertes décorent les arbres, le sol est légèrement humide et couvert d'herbe tendre. Les odeurs nouvelles du printemps tardif entrent dans mes narines, et j'inspire à pleins poumons cet air merveilleux, cet air pur, cet air qui me donne le sentiment d'être chez moi, d'être une louve.

Le ciel est entièrement bleu, et traversé parfois de vols de rapaces et passereaux que j'observe avec joie. Mais je n'oublie pas notre objectif et la responsabilité qui pèse sur mes épaules. Jaïna doit être retrouvée et ramenée à la Meute.

Mon compagnon de route s'arrête soudain et me fait signe de stopper ma course. Je le rejoins sous un buisson touffu et il tourne le museau devant nous, parmi les troncs robustes de cette partie de la forêt qui m'est inconnue. Nous sommes sortis du territoire de la Meute depuis une bonne heure à présent, et nous sommes extrêmement tendus. Si jamais on nous surprenait, je ne donne pas cher de nos fourrures.

En suivant son regard d'argent, j'aperçois entre les congères et la végétation des murs de bois. Des chalets.

- C'est une meute voisine ? je chuchote.

- Oui, mais je dirais une ennemie, répond Kelian sur le même ton. Jaïna doit être dans un des chalets. La piste mène au village.

Ainsi donc, ils auraient capturé la jeune louve. Pourquoi ? Parce que son père est Alpha ? Que voudraient-ils obtenir ?

Une pensée désagréable, bientôt suivie d'une autre, s'insinue dans mon esprit. Et si les triplés étaient de cette meute ? Le marché pourrait être Jaïna... Contre moi.

Un frisson me parcourt. Non, c'est ridicule. C'est de l'égocentrisme, il faut que j'arrête de penser que tout tourne autour de moi. Mais en même temps, les mots de Lorraine me reviennent par vagues, comme pour m'avertir. Seulement je les repousse. Jaïna est parmi eux, par ma faute. Je dois y aller.

Kelian me jette un regard et désigne un chalet, ni isolé ni au centre du village. Je comprends que l'odeur y mène. Avec un hochement de tête, je hume la brise et ne note aucune trace d'ennemi proche. Ils doivent être en chasse, ou bien partis.

Kelian s'élance dans le couvert des buissons vers notre cible à présent. Le chalet est très grand mais semble délabré. Le bois est attaqué par des mousses et des plantes grimpantes. Les fenêtres sont obscursies par des toiles d'araignée et de la poussière.

Kelian se rapproche de l'orée du village en silence, comme une ombre. Je m'efforce d'être aussi discrète. Malheureusement, la lumière du jour ne joue pas en ma faveur. Néanmoins nous arrivons à nous approcher du chalet sans trop de mal et surtout, sans nous faire repérer par un retardataire.

Le soleil commence à me donner chaud, et Kelian doit être dans le même état au vu de sa fourrure d'ébène. Heureusement nous nous arrêtons dans l'ombre de la bâtisse pour souffler et former un plan pour entrer.

- Il y a une cave, avec un soupirail, souffle mon compagnon. On va retirer la grille et passer.

Je hoche la tête. Effectivement, je vois le trou à la base du mur, fermé par de fins barreaux de métal. Ça ne me semble pas difficile de l'enlever, alors je rampe et l'attrape délicatement entre mes crocs. Une fois que je tiens la grille, je prends appuis sur la terre herbeuse avec mes griffes, et tire avec force, mais doucement pour ne pas faire de bruit.

Après quelques secondes infructueuses, Kelian vient m'aider, et à deux nous parvenons à déloger le métal de son emplacement. J'ai un peu honte de ne pas y être parvenue seule, mais Kelian murmure :

Prédation, L.1 : La dernière Louve Supérieure [FINIE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant