Chapitre 30.

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30.

«Qui n'est jamais tombé n'a pas une juste idée de l'effort à faire pour se tenir debout.» - Multatuli

Eli

Les dernières feuilles qui étaient encore accrochées aux arbres semblent tomber en tourbillon autour de moi, suivant le rythme mené par le vent. J'avance avec un rythme soutenu, et j'ai comme l'impression d'être suivi par cette force immatérielle, qui reste sans cesse à mes côtés.

Les oiseaux sont partis rejoindre les tropiques depuis longtemps, si bien que le seul sifflement est celui que crée l'air en percutant les bâtiments. Des habitations de tous âges, des façades resplendissantes ainsi que d'autres délabrées. C'est beau, et j'ai envi de tout dessiner. Mais Je n'ai pas le temps.

Il est très tôt, et pourtant je n'ai aucune envi de dormir. Tout comme cette nuit, où j'ai gardé les yeux ouverts jusqu'à que le soleil pointe enfin le bout de son nez. Pourtant, je ne ressens en rien la fatigue due à cette nuit blanche. Je suis bien trop trépignante au vu des évènements qui vont se dérouler par la suite.

L'église de St Malo fait résonner neuf coups sourds, m'informant ainsi de l'heure. Je suis presque arrivée au point de rendez-vous, et j'aurais presque une heure d'avance, à attendre en espérant qu'il vienne.

Une trentaine de minutes après, assise à une table du café dans lequel il m'a donné rendez-vous, je finis de boire mon chocolat chaud. Repoussée par l'odeur du café, j'ai préféré commander cette boisson sucrée qui me rappelle mon enfance. Je vois encore ma mère y glisser quelques guimauves après avoir fait chauffer ma tasse. C'était pour nous deux comme une boisson magique, et il suffisait d'en boire une gorgée pour que tous nos problèmes disparaissent. On avait d'ailleurs prolongée cette tradition, jusqu'à que je quitte la maison, pour une raison qui m'est encore inconnue.

- Ça fait du bien de te voir.

Je frissonne, et fixe mes mains quelques secondes avant d'enfin lever la tête pour l'observer. Il est là, devant moi. Il est le même que celui que j'avais dessiné il y a quelques jours sans savoir vraiment pourquoi. Ses traits rappellent les miens, il a le même nez que moi et les mêmes pommettes saillantes. Mais pourtant, malgré le fait qu'il me ressemble comme deux gouttes d'eau, je ne me reconnais pas dans son regard. Du feu brûle au fond de ses yeux, reflet d'une colère immense qu'il peine à contenir.

- Elh... je chuchote.

Il s'assoit sur la chaise en face de moi, et m'enveloppe du regard. Même s'il est là, devant moi, j'ai l'impression qu'il est en même temps à des milliers de kilomètres, dans ses pensées qui me sont inaccessible.

Je rassemble mon courage, inspire l'air frai du matin, puis prend la parole.

- Je veux la vérité. Je ne sais plus rien depuis quelques mois, je suis perdue. Et je suis persuadée que tu es la pièce manquante, celui qui va me permettre de tout relier.

Il ne me répond pas directement, laissant planer un suspens qui m'est presque insupportable.

- Tu as des souvenirs de nous ensemble Eli ? Tu te souviens de moments qu'on a partagé, gamins ?

Je cherche dans ma mémoire, avant d'hiver négativement la tête. Il n'est dans presque aucun de mes souvenirs. Et ça me fait peur. Plus que peur.

- Bah c'est normal. Je ne suis pas dans tes souvenirs parce qu'on en a partagé aucun. On a beau être jumeaux depuis presque dix-huit ans, tu ne me connais pas, et je ne te connais pas non plus. On est presque des étrangers l'un à l'autre.

Je fronce les sourcils, cherchant à comprendre la logique. Je fixe une nouvelle fois ses yeux, cherchant sans doute une explication. Mais ce qui me frappe est surtout qu'ils sont beaux. Plus que beaux. Ils m'électrisent pendant quelques secondes, avant qu'il te presse la parole.

- Nos parents sont des connards et hypocrites. Et surtout ne te vexe pas, parce que je reprends tes propres mots.

- Mes propres mots ? je lui demande, surprise.

- Ouais, il rigole sèchement. Ouais, tes propres mots Eli. Tu ne te souviens pas, quand tu as débarqué chez moi un soir d'août ? Tu étais une vraie lionne dans une cage, il rajoute. Je ne t'avais vue que deux ou trois fois de loin, caché derrière un arbre, te regardant sortir de ton école. Et je ne t'avais adressé la parole qu'une seule fois. Une fois en dix-huit ans, tu te rends compte !

- Je ne comprends rien à ce que tu me raconte Elh, je lui réplique sèchement, serrant encore plus fort la tasse de chocolat dans ma main. Mes doigts commencent à me faire souffrir mais je ne la lâche pas.

- Putain mais Eli ! On est jumeaux. Elh et Eli. Toi et moi, on est nés le même jour, tu comprends ça ? Sauf que nos putains de parents ne voulaient qu'un seul enfant ! il s'exclame. Alors ils m'ont abandonné, moi, te préférant. Ils ont coupé tous nos liens, nous empêchant de nous connaître Eli. Alors pendant que toi, tu avais une vie tranquille dans ton petit pavillon entouré de tes gentils et beaux parents, moi je pourrissais en famille d'accueil ou des trucs du genre. J'ai mis une dizaine d'année à retrouver votre trace, et à comprendre qu'ils m'avaient abandonné et t'avais gardé, toi.

- Pourquoi tu n'es pas venu me dire tout ça il y a des années ? je lui demande, troublée par ses paroles.

- Parce que je t'observais de loin, et plus je te voyais, plus je t'aimais. Tu était moi au féminin, tu réagissais comme je l'aurais fait à ta place. Tu était si belle à voire, si touchante, que je ne voulais pas bouleverser ta vie. Mais je suis venue te parler. Tu m'as écoutée attentivement, buvant mes paroles, puis je suis repartie. Je t'ai laissé mon adresse, comme tu me l'avais demandée. "Au cas où", tu avais dit.

- Et pourquoi tout a dégénéré ensuite ?

- A peine quelques semaines plus tard, tu a débarqué chez moi, en me disant que tu étais partie de chez toi, te réfugiant chez un certain Maxime, et que tu ne parlais plus aux parents. Tout ça à cause de moi.

Les choses commencent à l'éclaircir pour moi, et la boucle est presque fermée. Il ne manque plus qu'un élément pour répondre à toutes mes questions. Un élément pour me permettre de savoir pourquoi j'ai perdu la mémoire et que Nathan m'a trouvée.

- Pourquoi je ne me souviens de rien ?

- Parce que je suis devenu fou. Eli, je suis malade, la bipolarité comme ils l'appellent. Je suis un danger pour toi, comme je l'ai été cette nuit là pour toi. Je n'étais plus moi, j'étais quelqu'un d'autre, un monstre sans doute. Alors quand tu t'es enfuie, les mains en sang à cause de ma foutue maladie, je m'en suis voulu comme jamais. Je t'avais fait du mal, et je ne sais même plus ce qui est vraiment arrivé.

En entendant ses paroles, mes souvenirs s'éclaircissent totalement. Je me souviens de tout. Sa colère, son attaque, ma fuite, ma perte de connaissance dans la rue où Nathan m'a trouvée.

Dans ses yeux brûle une braise profonde, une colère qui prend possédions de lui sans qu'il ne puisse la retenir. Alors je prends la décision qu'il ne peut se résoudre à prendre tout seul. Je rentre dans le café, emprunte un téléphone, et appelle un médecin, qui me donne rendez-vous à quelques rues de là. Pour éviter qu'il ne fasse du mal aux autres. J'ai trop souffert à cause de cette maladie.

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Que de révélations... Déçus ? Vous vous attendiez à quoi ?

Un grand merci pour les 20k dépassés cette semaine.

On arrive petit à petit à la fin... Vos idées pour la suite ? 😍

Restez comme vous êtes.

So.

Accroche Toi [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant