Chapitre 10: Une petite virée (2/2)

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Après une bonne demi-heure de route accompagnée d'éclats de rires tout au long du trajet, nous sommes arrivés dans une zone déserte et peu éclairée. Je me demande bien ce qu'on fiche là. Nous avançons doucement dans des routes larges et sombres. Seule la lumière des phares de la voiture éclaire notre chemin. Eric se gare sur un grand parking qui est désert. OK. C'est de plus en plus bizarre. Il coupe le contact, sort de la voiture et vient ouvrir la portière du côté passager. 

-"Alors, prête?" Il me tend la main. Je hoche la tête en signe d'approbation, sans savoir si je le suis vraiment, je la lui prend, et il m'aide à sortir de la voiture. Il se retourne et engage la marche, sans me lâcher la main, puis verrouille sa voiture à distance sans même regarder derrière lui. Je me laisse guider, ne faisant que le suivre, en me demandant ce qui se passe. D'un côté, j'ai un peu peur, mais de l'autre, il m'inspire confiance, et ça depuis que je l'ai recroiser à mon arrivée au bureau. Nous marchons quelques instants pour arriver devant un énorme grillage, où se trouve un gardien dans une petite cabine.

-"Salut Ed, quoi de neuf?" Apparemment, ils se connaissent.

-"Bien gamin et toi?" Il lui serre la main chaleureusement, et poursuit "Vas-y, mais ne fous pas le bordel hein?" Il rigole et rebaisse la tête dans son journal.

Nous passons les grilles, et il me lâche la main.

-"Attends deux secondes. Je reviens." Il me laisse planter là, dans un long couloir qui s'engouffre sous un mur extérieur. Je ne vois rien. Je ne sais même pas ce que je suis venue foutre ici. Mais je ne me sens pas rassurée. Les secondes filent, et toujours pas le moindre signe... Et là, d'un coup, une lumière aveuglante se trouve au bout du couloir. J'entends des pas, et Eric est de retour avec moi.

-"Allez, viens, on y va!" Il reprend ma main, et se mets à trottiner, je le suis aussi rapidement que je peux avec mes escarpins. Et là...

-"Waouh" Je n'ai pas de mots. Eric a un regard émerveillé et me regarde avec les yeux ébahis d'un enfant. Nous sommes seuls, sur un énorme terrain de football américain. Je ne suis pas spécialement fan, mais ça reste en quelques sortes le sport national. Et de voir un terrain de nuit totalement vide, sans public, m'épate. Il me traîne jusqu'au centre du terrain, et je fais un tour sur moi même, j'observe, j'écoute le silence, chaque bruit résonne. Eric s'empare d'un ballon et le lance en l'air, puis le rattrape. 

-"C'est magnifique. C'est tellement inhabituel..."

-"J'ai beau revenir ici encore et encore, je me dis la même chose."

-"Tu as l'habitude de venir ici?"

-"Oui, enfin... j'avais. Maintenant, ça arrive seulement de temps en temps, je n'ai plus vraiment le temps pour ça..." Il contemple le stade quelques instants puis reprend "Quand on était plus petits, mon frère et moi adorions jouer ensemble. Nous sommes dans ce sport depuis notre enfance, et c'est devenu plus qu'un loisir. Nous vivions pratiquement que pour ça. Mais tu sais, quand tu as des parents qui veulent pour toi un avenir meilleur que joueur professionnel, quelque chose de plus concret, alors tu dois compter sur ton courage pour persévérer dans tes rêves. Mais quand tu te rends compte que personne ne te soutient et te facilite la tâche pour accomplir ce que tu souhaites, et qu'on t'as destiné une toute autre voix, alors tu lâche prise... Pour essayé de compenser, on a donc fait des études dites "normales", mais en ayant intégré une fac qui nous permettais de continuer le football, au moins en loisir. C'était une sorte de compromis... Et bon sang, qu'est ce que ça me manque!" il lance alors le ballon le plus loin possible sur le terrain, qui atteint une distance vertigineuse avant de retomber dans un écho sourd.

-"Et vous ne pratiquez plus votre frère et toi?"

Je l'observe, debout, les mains dans les poches, le regard baissé et le sourire qui s'efface petit à petit.

-"Non, plus ensemble. A vrai dire, nous ne sommes plus aussi proche que nous l'étions auparavant, et à qui la faute? Je sais pas trop. Le temps? La distance? C'était quelqu'un de bien, de joyeux et de compréhensif avant. Mais, je sais pas trop ce qui est arrivé, il a radicalement changé. Comme s'il s'était renfermé sur lui même. Et depuis, nous n'avons fait que de nous éloigner l'un de l'autre... C'est la vie, sans doutes."

Je vois sa gêne. Il a perdu son enthousiasme habituel. Je ne le reconnais plus, ça à l'air de l'affecter complètement. 

-"Et si on allait manger un bout?" Je lui est proposé, le mieux est de ne pas rester ici si tous ces souvenirs douloureux remontent à la surface. Je le regarde, attendant sa réponse.

-"Ok, le dernier à la voiture paye!!!" Et il se mit à courir comme un gamin à qui on avait promis une glace. J'essayais de le suivre, en me tordant de rire face à sa réaction. Malgré son avance indéniable, monsieur à quand même été galant et m'a laissé atteindre la voiture avant lui. 


Another chance (with you) T.1 (en Pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant