Chapitre |||

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Aujourd'hui, Jenifer se réveille difficilement, elle n'a pas pu fermer l'œil de toute la nuit. Elle n'a même pas pu éteindre la lumière de sa chambre - dès qu'elle était plongée dans le noir c'est lui qu'elle voyait. Elle le sentait presque. Elle sort de sous sa couette et malgré ses gros vêtements elle ressent quand même une sensation de froid, c'est si fort qu'on pourrait croire que ça vient d'elle, que ça vient de l'intérieur. Elle passe devant le miroir de sa salle de bain et se regarde quelques secondes. Elle retire son pull en espérant presque que tout ça n'était qu'un mauvais rêve, que toutes les traces auront disparu. Avec ses mains elle pince chaque endroit qu'il a sali. Elle tire dessus comme pour arracher sa peau et s'assoit au sol en pleurant. Elle se calme lentement, se redresse et prend une grande inspiration avec une longue douche. Elle s'habille ensuite de manière à vraiment tout couvrir et tout cacher. Elle ne déjeune pas, l'appétit a disparu. Elle prend un taxi pour se rendre au boulot. Durant le trajet elle ne parle presque pas. Elle se sent mal, elle a peur. Arrivée sur le parking du studio, elle appelle un garagiste pour venir faire réparer sa voiture. Elle entre ensuite sur le plateau et la douleur à sa tête est toujours présente. Elle n'est pas encore allée à l'hôpital et elle ne compte pas s'y rendre. La blessure s'est partiellement refermée d'elle même, mais un choc à la tête laisse tout de même des séquelles. Elle s'est maquillée chez elle et porte un pantalon et un sous pull à col roulé. Elle cache l'extérieur pour tenter d'enfermer les secrets à l'intérieur.

Garou : Hey, jolie brunette !
Jen : Salut beau québécois.
Matt : Hello l'équipe.
Jen et Garou : Salut.
Matt : Hé bah Jen ils sont où tes jolies robes et tes beaux décolletés ? 
Jen : Au pressing.

Les trois acolytes rigolent de bon cœur ou presque... L'émission commence. Jenifer se sent mal à l'aise mais elle ne dit rien.

Matt : Comment vous vous appelez ?
Talent : Marcus
Jen : Comment ? J'ai pas compris.
Garou : Il a dit "Marcus".
Jen : Ah, pardon.

La brune met la main devant ses yeux assez maladroitement.

Matt : Ca va Jen ?
Jen : La, la lumière elle...elle est trop forte. Je vois des pas, je vois pas...pas je vois des points, je vois je pas...pas bien.  Trop de lumière.

Jenifer semble s'enfoncer dans son siège en bégayant ces mots maladroits et sans cohérence.

Garou : Oulah ! Non ça va pas. Elle fait un malaise ?
Matt : Baisser la lumière du plateau, s'il vous plaît !

Le blond se lève et s'approche de la brunette pour s'assurer qu'elle ne perde pas connaissance. Jen se redresse alors doucement dans son siège, elle demande une petite pose en bégayant. La lumière est tamisée et Matt part lui chercher ses lunettes de soleil. Quand à Garou, il part chercher de l'eau pour la corse. Jenifer boit la bouteille entière sous le regard inquièt de ses camarades. Matt pose sa main sur l'épaule de la brune par habitude comme pour la soutenir et la rassurer mais elle se crispe d'un coup et se redresse brusquement. Matt, surpris, retire alors sa main.

Matt : Ça va mieux ?
Jen : Oui, je pense que ça va aller.

Après cette petite pause, Jenifer se remet bien dans son mythique fauteuil et fait une petite retouche maquillage et coiffure. Elle reprend ses esprits difficilement, et le reste de la journée se passe sans trop de problèmes.

Matt : Bon Jen, tu viens le studio va fermer !
Jen : Euh non je vais chercher un truc dans ma loge.
Matt : Bah je t'attends si tu veux.
Jen : Okay, oui ! C'est adorable merci.

Jen va chercher une bombe au poivre que son ancien manageur lui avait donné. À l'époque elle avait ri et l'avait rangée dans un tiroir de sa loge sans le prendre au sérieux. Elle rejoint rapidement Matt pour ne pas le faire trop attendre. Ils sortent tous les deux du studio. Jen croit voir une silhouette d'homme adossée à un arbre très proche de sa voiture. Immédiatement un frisson de peur la saisit. Matt se penche vers elle pour lui faire la bise mais elle le repousse gentiment.

Jen : Tu m'accompagnes jusqu'à ma voiture ?
Matt : Ok. Elle marche ?
Jen : Normalement oui, un garagiste est venu aujourd'hui pendant le tournage.

Ils y vont et Matt serre alors dans ses bras son amie pour lui dire au revoir mais elle le repousse une nouvelle fois.

Jen : Aïe !
Matt : Ca va ?
Jen : Oui, je suis fatiguée. Bon, à demain.

Elle monte dans sa voiture et Matt qui part se retourne en entendant le bruit de verrouillage des portières. Elle ne fait jamais ça normalement. Personne ne verrouille sa voiture en étant dedans d'ailleurs, normalement.
Elle démarre et disparait au coin de la rue. Cette fois encore elle prend une longue douche et se couche directement pour ne pas vraiment dormir. Réveiller toutes les heures par des cauchemars, des sensations de mains qui la touchent. Elle revoit le béton du sol, elle le sent si froid et dur contre sa joue maintenue par terre. Elle sent le poids du corps de l'autre qui l'étouffe, cette pression où qu'elle soit, réveillée ou pas, elle la sent. Elle sent continuellement le poids de cette homme contre elle. Elle sent ses mains, elle sent son pénis en elle. Elle sent la douleur, le froid, la honte, la peur, le dégoût... et surtout elle sent la culpabilité. Celle de la société qui cri partout que l'agresseur n'est rien de plus qu'un homme qui n'a pas résisté à la tentation ; il n'est pas coupable, ce sont ses hormones. Elle sent la culpabilité de cette société qui cri : « elle n'avait pas à être seule si tard », « si une femme sort la nuit elle sait ce qu'elle risque », et puis « si elle ne le voulait pas, elle n'aurait pas dû se laisser faire » ; qu'importe si se laisser faire est la seule chose à faire pour ne pas mourrir. « Si elle ne voulait pas qu'un homme s'intéresse à elle, elle n'avait qu'à pas mettre tant de maquillage ». « Elle aurait dû mettre un jean moins serré », « elle aurait dû cacher plus son corps ». Elle sent cette culpabilité si violente et injuste...

Ça fait si mal Où les histoires vivent. Découvrez maintenant