Chapitre 2 : 8h32

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La maison est grande. Vaste. Immense. Un vrai labyrinthe pour moi...

Les murs extérieurs sont tellement blancs qu'ils m'éblouissent lorsque le soleil daigne se montrer.

La verdure ne manque pas.

Paloma Plage, ça fait un peu plus de 24h que nous avons mis pied à terre. Arrivés à 18h47 le samedi soir, pluie continue le dimanche, réveil ce matin avec le chant des oiseaux et les délicieux rayons du soleil.

Ma mère était tellement déçue que la pluie lui gâche ses projets extra-muraux qu'elle n'a pas arrêté de gigoter, de faire les cent pas, de cuisiner... Elle essayait de se calmer les nerfs. Et elle n'était malheureusement pas la seule. A croire que je suis la seule réaliste et calme dans cette famille...

De mon fauteuil, près de la fenêtre embrumée de mon souffle, juste à côté de la cheminée en brique rouge, je voyais ma petite famille jurer contre cette pluie qui ne faisait que passer. Pendant que ma mère pétrissait une pâte dans la cuisine sous les yeux à la fois admiratifs et ennuyés de mon jeune frère, mon père tentait désespérément de lire un livre qu'il tenait, malgré la bonne volonté qu'il y mettait, à l'envers.
De là où j'étais, je pouvais voir la grande cuisine ouverte, le salon composé essentiellement d'un énorme canapé aussi moelleux qu'un fondant au chocolat où était mon père et la fenêtre qui me permettait de m'évader un peu. La nostalgie de ces gouttes qui glissaient le plus vite possible pour la victoire contre cette parois transparente me faisait sourire. Je voyais l'été sous ses mauvais jours. J'aimais ça. Tout semble différent lorsque le temps n'est pas clément.
Lorsqu'il pleut, l'extérieur prend une teinte bleutée, grise, sombre voire même un peu triste alors que l'intérieur des maisons se réchauffent. Non ? Le contraste grâce à un simple mur m'amuse moi. Un feu dans la cheminée, les quelques lumières ambiantes, les couvertures disposées pour nous réchauffer et la température agréable lorsque tout dehors nous forcent à frissonner.

C'était un dimanche pluvieux. Confortables dans notre belle maison, nous ne pouvions même pas nous satisfaire de cette demeure. Ils auraient aimé pouvoir allé à la plage dès leur réveil. Alors ils ont fait la gueule toute la journée.

Aujourd'hui, c'est lundi. Un lundi au soleil. Il est... 8h32. Il est tôt. Pourquoi est-ce que dès que je peux dormir jusqu'à pas d'heure je me réveille toujours si tôt ?
Trop tôt...
Je ne suis plus du tout fatiguée.

De mon grand lit 4 places, je tourne la tête vers l'immense fenêtre à ma droite. Le ciel bleu est de retour. Les arbres que j'aperçois dansent tout de même. Les légers nuages derrière ressemblent aux ombres de cette verdure sur un fond bleu agréable. C'est étrange.

Je me lève bien décidée à profiter de ce début de journée agréable et encore frais pour découvrir les environs. Je m'habille. A chaque fois je me dis qu'aujourd'hui je vais m'habiller différemment mais... Je n'ose pas. Pourquoi se passer des bonnes vieilles habitudes ? C'est mon style, j'aime bien. Pourquoi changer... Bon...

Demain je mettrais une jupe, quand même. Petit changement.

J'enfile un collant noir opaque, difficilement, un short en tissus, ample, agréable, à rayures noires et blanches par dessus, des bottines noires à lacet, un débardeur blanc slim. Collé serré quoi. Et ma veste en jean.
Je ne sais pas pourquoi, mais je n'arrive pas à exposer ma peau comme tous les autres jeunes le font... Un short sans collant par exemple, ou juste un débardeur sans veste... ça me dérange.
Ca ne devrait pas, mais ça me dérange.

J'y peux rien non plus...

Heureusement que j'ai toujours froid.

Je prends mon sac à bandoulière, une grappe de raisins et sors sur la pointe des pieds. Un mot sur la table de la salle à manger et je file vers cette nature qui s'éveille doucement.

La mer m'appelle. Sa couleur m'attire. Ses bords sablés attisent ma curiosité.

Les cigales chantent à tue-tête. J'adore ça.

Aucune voiture.

Aucun humain.

Un calme dont le silence me laisse perplexe.

Tiens ? Un adolescent ? Comment peut-il écouter de la musique avec tous ces bruits extraordinaires autour de lui ?? La musique que me joue l'été me fascine personnellement. Les vagues de cette eau, les branches des arbres qui t'entrechoquent dans le vent, le fin bruit des hautes herbes, les oiseaux qui s'annoncent et les insectes qui profitent de cette saison pour chanter comme ils n'ont jamais chanté.
Ma montre m'indique 8h59.

Après mon petit tour rapide dans le centre-ville encore endormi, je me dirige vers cette mer, cette plage que je convoitais comme tout le monde depuis à peu près 39h.
Le sable ne brûle pas, il est propre, l'endroit est désert.

Je marche silencieusement. J'écoute, observe.

Je m'aventure dans les dunes de sables légèrement en retrait par rapport à la mer et me faufile entre les hautes herbes qui vont jusqu'à me chatouiller le ventre parfois exposé.
J'arrive finalement à un point en hauteur, isolé, calme, propre, magnifique, en m'étant perdu dans cette végétation sauvage. De là, je vois la ville où nous résidons, je vois la mer dans toute sa splendeur, je vois les terres qui nous font face. Je vois les quelques personnes qui s'installent déjà sur la place, qui profitent de l'heure bien matinale pour ne pas avoir les cris des enfants habituellement plus tard dans la journée. Je les vois, ils ne me voient pas. Quoi de plus satisfaisant ?
Derrière moi les hautes herbes continues, redescendent vers la forêt. Mon endroit devenu stratégique et parfait pour moi n'était qu'un bout de plage entouré de la nature magnifique, dansante, habitée. Elle me cachait des humains par sa hauteur.

Allongée, j'observe le ciel.

Ni vide, ni couvert.

A certains endroits, les cotons volants me rappellent ce sable, cette plage démesurément grande. Comme si un véhicule était passée dessus, ou les vagues de la mer.
J'essaie de dessiner sur les formes de la légère chantilly.

Ces formes blanches... On les appelle nuages. Ce sont comme les arbres du paradis. Blanc, dansants, agréable à voir. Ce sont peut-être les âmes des arbres ? Les arbres morts montent eux aussi au ciel après tout...

Un ciel bleu...et blanc...

Et puis plus rien. Un noir complet, accompagné d'une scène, d'une personne...

D'un rêve.

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