Chapitre 11 : En moi

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"Salut Chloé !! 
-'lut..."

J'ai finis par revenir. 
C'est sûrement une erreur. C'est probablement un acte de faiblesse. Mais en lisant sa lettre, hier, je m'étais sentie totalement impuissante face à cette détermination qu'elle avait de mieux me connaître. Hier, j'ai signé son fichu contrat. C'était grotesque mais... il faut dire que moi aussi je voulais une preuve de ce lien ridicule qui nous unissait. Peut-être avais-je peur d'à nouveau tout perdre ? D'à nouveau souffrir ? Hier... J'ai dû retenir, de toutes mes forces, les larmes de couler.

La veille au soir, à table, ma mère était silencieuse. Je l'étais aussi. Mon frère nous imitait, probablement gêné par l'atmosphère pesante qui émanait de nous. Mon père était le seul à, de temps en temps, sortir une blague ou un fait divers. Ma mère lui souriait faussement, ce qui avait le don de m'énerver, piquait quelques légumes avec sa fourchette et les amenaient à sa bouche. Sans grande conviction. Parfois j'échangeais un regard complice et désolé avec mon jeune frère. Puis, au beau milieu de ce terne repas, ma mère a brutalement posé ses couverts sur la table en bois, a relevé la tête vers moi et m'a fusillée du regard. Ses poings, fermement posé de chaque côté de son assiette, tremblaient. Elle n'a pas parlé tout de suite, la voix probablement étouffé par l'émotion. Je ne saurais dire... Mais il me semble que personne n'aime se disputer avec ses parents ou ses enfants. Moi... Je déteste ça.
Plus personne ne mangeait. Je soutenais son regard. Neutre. 

"Tu ne penses pas que nous devrions parler ? me demande ma mère visiblement agacée.
-Je n'en ai aucune envie, lui ai-je répondis en mangeant un bout de steak.
-Chloé ! Est-ce que je peux savoir ce que tu me reproches exactement ?!? 
-N'ai-je pas été suffisamment clair hier ?
-Je te prierais de préciser ta pensée..."

Elle m'énervait. Elle savait parfaitement ce qui me dérangeait dans son comportement. Comme je sais que mon comportement froid et distant peut l'énerver parfois.

"C'est très simple maman... J'en ai vraiment marre que tu refasses ta vie à travers moi. J'en ai marre que tu fasses semblant de savoir ce que j'aime ou ce qui est bon pour moi alors que tu t'en fous complètement. J'en ai marre que tu décides tout à ma place et que tu m'obliges à faire des choses que je déteste. J'en vraiment marre que tu ignores mes vérités...
-Comment oses-tu dire ça ??
-Ha parce que je me trompe ? Dans ce cas explique moi, je t'en prie."

Je déteste cette sensation.
Je retiens mes larmes, mes yeux me piquent, ma gorge semble bloquée, ma vision est embuée des larmes que je refuse de laisser sortir. Je tremble. J'ai mal. Pourtant je tiens bon. J'essaie de ne pas détourner le regard et d'accepter la vérité de ma mère. 

"Je suis désolée, vraiment désolée si c'est l'impression que je te donne. Mais je n'ai jamais voulu te forcer à faire ce que tu ne voulais pas et je te jure que... je te jure que j'ai essayé de te comprendre ! J'ai tant de fois essayé de parler avec toi ! J'ai tant de fois fais un pas vers toi pour finalement te voir muette et indifférente à mes efforts. Je sais bien... tu es adolescente. C'est souvent une période de renfermement mais je t'en prie ! Parle moi ! Même juste un peu ! Raconte moi ta journée, dis-moi ce que tu veux, ce que tu aimes, ce que tu prévois de faire dans la journée... Dis-moi quand tu as peur ! Quand tu as mal ! J'aimerais tant t'aider...
-Mais je n'ai pas besoin d'aide...
-Alors tu ne t'en rends pas compte ! Mais tu ne peux pas savoir à quel point ton père et moi sommes tristes... Nous nous sentons si impuissants face à toi... ça arrive de plus en plus souvent. Ton regard semble vide. Tu as des cernes importantes, tu n'arrives même plus à sourire. Tu ne parles plus. Parfois tu ne manges plus. Tu ne nous regardes plus. Tu sembles... tellement souffrir ! Tu sembles seule et oppressée par une insoutenable douleur. C'es probablement horrible à dire... Mais tu n'existes pas Chloé. Tu n'as aucuns buts, aucuns objectifs, aucuns projets ! Tu es comme... vide. Confies-toi je t'en prie ! Allèges ce poids qui sembles peser sur tes épaules... Je t'en supplie... Avant qu'il ne t'écrase..."

Ses mots tournent en permanence dans ma tête depuis. J'ai à peine dormi cette nuit. Et ce matin j'ai fuis. J'ai juste fuis.
J'ai pris le même chemin que la veille. J'ai acheté un milkshake, ai salué de loin Monsieur, probablement trop fragile pour aller lui parler, et suis allée sur la plage. 
Alors oui, je prends un risque en entretenant le ruban qui nous lie. Mais j'ai besoin d'un peu d'air... Et pour l'instant, Léa est la seule à pouvoir m'oxygéner.

Je m'assois lourdement dans le sable, pose ma boisson, sors mon carnet, mon crayon et une gomme. Je suis vide. Ma mère a raison. Elle m'a tellement bien décrite que je pourrais en pleurer. Encore maintenant. Retiens toi... Retiens toi... Retiens toi merde ! Tu n'es pas...

"Chloé ?"

Je relève la tête. Elle est là. Belle. Chaque jour un peu plus. Son visage reflète l'inquiétude. Quelques mèches de ses cheveux ébènes tombent de chaque côtés de son visage. Aujourd'hui, elle se les ait attachés en un haut chignon. Elle a un short en jean et une chemise bleu marine, longue, fleurie et dont les manches ont été retroussées. Fermée aujourd'hui. Dieu soit loué...
Elle n'est pas maquillée. Pourtant son visage dégage une certaine lumière. Comme une explosion de minuscules paillettes ! Haa... Léa est une explosion de couleurs.
Je lui réponds.

"Qu-Qu'est-ce qu'il y a ?"

Les larmes sont parties. Mes yeux brûlent mais... Je ne risque plus de pleurer.

"Je ne sais pas... Tu sembles étrange. Tu es sûre que tout va bien ? Tu as l'air fatiguée...
-Ha ! Non... Non tout va bien. Inutile de t'inquiéter...
-Je m'inquiète !
-Eh bien c'est inutile. Ha au fait ! C'est quoi ce contrat sérieux....?
-HA OUI ! Je préfère te le dire pour éviter que tu flippes... Je suis la fille du maire. Donc c'est très facile pour moi de trouver ce genre d'informations.
-Tu n'avais que mon prénom...
-Faux ! Je savais également que tu n'étais là que pour les vacances. Il n'y pas non plus beaucoup de maisons louées juste pour l'été ici. Il y en a bien sûr mais le tri a été rapide.
-Ouais... ça pour être rapide tu l'as été. Tu fais un contrat à chaque personnes que tu rencontres ?
-Non, tu es la première.
-Je me serais bien passée de ce privilège..."

Elle rigole et s'assoit en face de moi.

"Tu l'as signé ??
-... Oui...
-Super ! Tu veux bien signer l'exemplaire que j'ai fais pour moi ?!
-Je suppose que je n'ai pas le choix... Mais dans ta lettre tu disais qu'il y avait plus de deux copies non ?
-Oui ! Au cas où !
-Je vois..."

Je signe ce qu'elle me tend. Son visage s'illumine.

"Maintenant, Chloé Garnier, nous sommes à jamais liées !
-Oui..."

Elle est éblouissante. Elle est proche... Si proche...

"Tu n'existes pas Chloé"

Je suis une erreur. L'insensible fille qu'il vaut mieux ne pas connaître...

"Tu es comme... vide."

Je le suis. Cette horreur dont je m'étais recouverte a fini par devenir ma réalité. J'ai tout perdu. J'ai tout détruit. J'ai tant pleuré par le passé. Je me sentais incomprise. Comme si personne ne m'entendait. Comme si personne ne me voyait... Et pourtant, il y a cette fille. Cette merveilleuse jeune fille, belle et généreuse, qui dit vouloir apprendre à me connaître. 

Alors oui... Je succombe à la tentation.

Elle se recule un peu, toujours assise en tailleur face à moi, pose ses mains sur ses chevilles et me souris tendrement.

"Hum... on commence ? je lui demande gênée.
-Je suis prête.
-Tu vas rester comme ça ?
-Oui, pourquoi ça te gêne ?
-Non... Aucunement... C'est une position assez simple.
-J'ai envie de te regarder.
-Bien... Comme tu veux... Ne bouges plus."

Je suis perdue... Aidez-moi...

J'ai peur.

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