Me voilà donc... Entourée de gens que je ne supporte pas, en train de jouer à un jeu vide de sens, à une fête ennuyante et aussi insignifiante que le jeu auquel on m'a presque forcé à jouer.
Je déteste ma vie.
Un garçon se porte volontaire pour commencer. Il pose la fameuse question à une fille qui à l'air... à l'aise. Elle choisit action, avec un grand sourire. Elle doit retirer son t-shirt. Elle le fait. Aucune pudeur. Et mon frère se demandait pourquoi il ne pouvait pas venir...
Tous les jeunes présents ici ont entre 14 et 18 ans. Il y a... Comment dire... une sacrée tension sexuelle.
Pour ma part je ne suis pas très à l'aise.La fille pose la question à Maeva. Cette-dernière choisit action à son tour. Elle doit embrasser un garçon, avec la langue, pendant 10 seconde. Sourire. Elle le fait.
Si c'est ce genre d'action je sens que je vais choisir l'autre possibilité moi...
Le pire c'est que cet endroit regroupe tous les clichés possibles et imaginables. Tous les garçons sont en chiens et toutes les filles sont en chaleur. On dirait qu'elles se sentent obligées de s'exposer, se déshabiller, se frotter aux gens...
Yeerk....
Et comme je m'y attendais... Après l'action fascinante de Maeva, elle se tourne vers moi."Chloé, notre nouvelle venue... Action ou vérité ?"
Elle me saoule vraiment beaucoup.
"Vérité."
Elle se moque "discrètement" de moi avec ses amies les pouffes et me pose la question suivante :
"Serais-tu, par tout hasard, encore vierge très chère ?"
Je m'en doutais...
"Je vois pas vraiment en quoi ce genre d'informations t'intéresse, très chère ?
-Contente-toi de répondre, y'a pas de honte..."Je sais pas vraiment si j'ai envie de partager mon expérience sexuelle (qui est proche du néant) avec une fille aussi détestable. Mais d'un autre côté, je sais pas si j'ai envie qu'elle me compare à une salope si je mens en disant que je l'ai déjà fais.
Bon... Vu où j'en suis..."Je le suis encore oui.
-Oh... Intéressant...
-Ha vraiment ?"J'ai envie de la frapper.
Envie soudaine.Après avoir été forcée d'exposer à tout le monde ma virginité, je demande discrètement à Tim qui est la personne la plus proche de Maeva ici, ce soir. Il me désigne aussi discrètement que je le lui ai demandé, une fille aussi... voyante que Maeva.
Alors je me redresse, prend une grande inspiration et demande dans un sourire :"Toi, là, action ou vérité ?
-Vérité."Elle ne semble pas très à l'aise. Je vais me faire un plaisir de la rendre indécise celle-là...
"Okay alors... Est-ce que Maeva a toujours été aussi chiante et conne ?"
...
Oui... Oui je viens actuellement de me mettre la moitié des jeunes de Paloma Plage à dos.
La fille à qui j'ai posé la question reste immobile, hésite, ne répond pas, regarde Maeva, me regarde et reste silencieuse.
Personne ne parle, personne ne réagit.
Enfin... Je vais prendre leurs silences pour une réponse."Bien, dis-je en me levant... Ce fut fort divertissement, merci pour l'invitation mais je pense avoir mieux à faire de ma vie alors j'me rentre."
Ils n'ont jamais répondu.
Je comprends pas pourquoi.Je sors alors, seule, dans le froid et la noirceur de la nuit. Je m'éloigne de plus en plus de la salle, la musique s'estompe dans les rues. Je n'entends bientôt plus qu'une lointaine vibration, un rythme mystique et rempli de regrets. Cette soirée était épouvantable. Et pourtant... Je ne suis ni en colère, ni triste... Je suis calme. Je suis bien, là, seule dans la nuit noire. Les légers frissons qui parcourent ma peau me font sourire, ce silence m'enveloppe et me rassure.
Je lève les yeux et vois un ciel peint d'une encre de jais. Des milliards de petites tâches blanches regroupent cette toile sombre. Je me sens bien. Ce ciel me plonge dans un rêve et me fais oublier l'idiotie de 80% des êtres humains.Je regarde ce toit infini et me rappelle cette fille. Ses cheveux de nuits, son regard océan, ses lèvres sucrées, sa peau caramel et l'innocence enfantine de ses yeux.
Et si elle était venue à cette fête ?
J'aimerais tant la dessiner de nouveau. Son visage commence déjà à disparaître de ma mémoire. J'essaie de me souvenir mais tous ces visages que je vois tout le temps, tous ces visages hideux et déformés par l'envie de perfection, effacent même le sien. Aussi angélique soit-il.
Je suis devant chez moi. Les lumières sont encore allumées, aucuns bruits aux alentours, le froid pénètre ma peau et gèle mes doigts. Je monte les quelques marches et ouvre la porte d'entrée. Même si je ne suis pas en colère, je compte bien me montrer désagréable auprès de ma mère pour qu'elle comprenne que je n'aime pas ça. Je ne suis pas elle, et j'ai hâte qu'elle le comprenne.
"Déjà rentrée ? constate ma mère, toujours aussi perspicace, alors que je frotte mes membres dans l'entrée du palace dans le but de les réchauffer.
-Comme tu vois, je réponds sans lui adresser un regard.
-Et ça s'est bien passé ?"J'ai dit que je n'étais pas en colère ? Ha pardon... Grossière erreur...
"Super Maman ! dis-je sur un ton sarcastique, tu sais très bien que j'adore me réunir avec des jeunes cons et des putes pour partager des choses telles que mes expériences sexuelles ou juste me faire de nouvelles ennemies ! C'est mon rêve tout ça ! Mon rêve !"
J'en ai peut-être fais un peu trop... Mais ça fait 15 ans, presque 16, que je souffre en silence. Dès que quelque chose ne va pas je fais toujours comme si ce n'était pas le cas. J'ai toujours voulus lui faire plaisir. Je ne sais pas si c'est les vacances, la soirée ou le début d'une crise d'adolescence mais j'ai décidé de ne plus me taire.
Je commence à monter les escaliers pour m'enfermer dans ma chambre mais ma mère me suit, inquiète."Tu veux dire que tu as eu des problèmes ? Tu veux m'en parler ??
-Non, Maman. Figure-toi que moi quand j'ai des problèmes je n'en parle pas, je les garde pour moi. Et tu sais pourquoi ? Parce que quand j'en parlais ça ne changeais rien ! Je ne suis pas comme toi moi ! Peut-être que toi t'es faite pour vivre en société, pour être entourée de primates dans ton genre mais ce n'est pas mon cas ! Vis ta vie c'est tout ce que je te souhaite. Mais ne m'oblige pas à vivre la tienne."Et je claque ma porte.
Je me laisse glisser contre cette dernière, les bras entourant mes genoux. Les larmes dont la demande d'accès à mes joues était refusée me dévoraient le cœur.Quel magnifique début de vacance.