Chapitre 8 : Belle

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Et, comme si elle savait que j'étais là, elle ouvre doucement les yeux. Perdue, encore endormie, elle ne bouge pas. Sa poitrine découverte se gonfle à chaque inspiration. Sa bouche rose, entre-ouverte, est pulpeuse. Ses longs cils noirs papillonnent à chaque clignement qu'elle effectue.
Elle ne m'a pas remarquée.
Comme tétanisée par tant de beauté, je ne bouge pas. Je la regarde simplement comme si elle n'était pas humaine. Je la décris comme si c'était la première fois. Je la vois, en espérant que ce ne soit pas la dernière.

Je baisse mon regard innocent vers ses jambes allongées et cachées de cette jupe blanche. Je ne peux voir que ses petits pieds, jouant avec ce sable encore frais. En relevant un peu sa jambe gauche, sa jupe tombe de son genoux, me laissant voir sa jambe presque complètement nue. Et je la regarde. Comme hypnotisée par sa peau sans imperfections. Ses formes sont parfaites. Nettes et parfaites.
Ses yeux, perdus dans l'unique couleur du ciel, se ferme d'exaspération. Elle se relève, s'assoit dans ce sable blanc et tourne la tête vers moi. C'est si naturel que je ne réagis pas.
Elle n'a pas l'air étonnée. Elle n'a pas l'air en colère. Elle est juste là, ses yeux plantés dans les miens, la chemise encore ouverte et la jupe relevée jusqu'au milieu de ses cuisses.

Je frissonne.

Je n'aime pas ces frissons. Ils ne sont ni dus à un contact physique, ni à une température froide. Alors pourquoi frissonner ? Je l'ignore. Mais je n'aime pas ça. 
En voyant son regard insister sur ces mots qu'elle ne me dit pas, je sursaute, comme pour me sortir moi-même de mon esprit vagabondant je-ne-sais-où, et commence un demi-tour. Je recommence à gravir les rochers qui nous sépare du monde qui est en train de se lever, le sac toujours sur mon épaule, mon milkshake dans une main, le rouge aux joues.

"Hé ! Attends !"

Je m'arrête.
Comment oserais-je désobéir à cette voix divine ?
A cette nymphe qui m'interpelle, moi, simple roturière. Impossible. Je ne suis pas hypocrite à ce point. Mais aurais-je seulement la force de la regarder ? Je me pose trop de questions... Je décris la situation comme celle d'un film ou d'un roman à l'eau de rose où tout semble parfait. Mais c'est bien ça le problème... C'est qu'elle l'est, elle !

"Attends, répéta-t-elle en se levant. Nous nous sommes déjà rencontrées, je me trompe ?"

Sans oser lui faire face, je reste interdite en entendant ces mots qui, malgré moi et ma fierté, me font sourire d'un bonheur inexplicable. Elle se souvient de moi. En même temps... C'est la deuxième fois que moi, une fille lambda, la regarde avec insistance... Je ne pense pas que cela s'oublie facilement... Mais je suis quand même ravie. Pourtant, malgré cette joie incontrôlable, je ne peux pas lui dire la vérité. J'aurais trop peur de tout gâcher. Je préfère l'observer de loin, juste la voir me suffit... Lui parler et la fréquenter c'est... C'est un terrain sur lequel je ne préfère pas m'aventurer. Enfin Chloé que dis-tu... Tu t'avances là ! Aucunes relations n'est encore prévue...

"Je pense que vous faites erreur mademoiselle.
-C'était une question rhétorique, je me souviens parfaitement de toi."

Merde.

"C'est un hasard.
-Je n'y crois pas.
-Hé bien moi si.
-Tu es têtue... Viens donc t'assoir, cette plage est suffisamment grande pour nous deux.
-Tss... Non merci... Je ne faisais que pass...
-Allons bon, je ne vais pas te manger. Tu n'as aucunes raisons d'avoir peur de moi."

C'est vrai que je n'ai aucunes raisons de la fuir. Aucunes raisons de partir. Je n'ai qu'à l'ignorer comme je le fais avec tout le monde. Mais j'ai si peur... Peur de quoi ? Sûrement pas de elle. Mais d'un sentiment qui, à tout moment, pourrait naître et contredire tous mes idéaux.

"Je n'ai pas peur..."

Je me retourne de moitié et la regarde. Elle s'est rallongée. Ses yeux sont clos. Je n'ai pas à la fuir. Ne fais pas l'idiote... 
Le vent se lève doucement. Il est agréable. Il soulève légèrement son bas clair. Je détourne le regard, fatiguée des réactions humaines. La mer est belle. Il n'y a presque pas de vagues. Je ferme moi aussi les yeux, appréciant silencieusement ce vent matinal. Je bois une gorgée de ma boisson, observe mon sac rempli de quoi m'occuper et me souviens de ce pourquoi je suis venue.

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