J'entends une voix, lointaine. Comme si j'étais profondément endormie et que quelqu'un essayait désespérément de me réveiller. Comme si j'étais plongée dans un océan. Sans fin.
J'ai l'impression de mourir.
Je coule.
La lumière de la surface diminue, encore un peu plus... Je vois des bulles d'air s'éloigner de moi. Aucun son. Aucun bruit. Juste sa voix qui m'appelle. Je ne peux pas la laisser... Mais j'ai froid. J'ai peur de retourner à la surface. J'ai froid. Je ne ressens rien excepté le reste d'humanité que je pouvais encore posséder dégouliner le long de mes joues."CHLOE ! Je t'en supplie, réponds moi !"
J'ouvre les yeux. J'ai mal aux hanches et en bas du dos. Ce que je vois ne me plaît pas du tout. Ces murs humides, grisâtres et sales, ce sol froid et horriblement inconfortable. À gauche, la rue ensoleillée qui mène à la plage. En face de moi, Léa, toute paniquée.
Avec le peu de force qu'il me reste, je viens caresser sa joue bronzée. Elle est belle. Monstrueusement belle. Elle porte ce même débardeur jaune pastel qu'elle avait déjà lors de notre première rencontre. Ses lèvres roses sont légèrement maquillées. Un gloss léger, délicat et, de par notre proximité, je peux dire qu'il sent bon la fraise. Ses boucles noires tombent de chaque côté de son visage. Elle est penchée au dessus de moi. Les mains posées sur ce sol immonde, de part et d'autre de mon corps meurtris. Elle est proche. Je caresse le dessous de son œil, légèrement humidifié à cause des larmes qu'elle a laissé s'échapper.
J'aimerais la rassurer. Mais je n'arrive pas à sourire. Je n'ai même plus la force de pleurer."Chloé ? Tu m'entends, dis ?"
Je fais oui de la tête et abaisse ma main, épuisée.
"Mon Dieu, j'ai eu si peur ! Que s'est-il passé ?! Je n'ai rien compris à ce que tu me disais au téléphone. Explique moi s'il te plaît!
-Léa je... Je...
-...Eh bien... Chloé..."Comme pour un réveil trop brutal, je sursaute, ouvre de grands yeux et agripe, apeurée, le haut de ma confidente. Les souvenirs me reviennent dans un flash douloureux.
Je crie.
Je crie comme quand il m'a achevée. Comme quand il m'a déchirée. Comme quand ses mains m'ont détruite. Je crie. J'ai peur... J'ai si peur.
Léa... Ne me lâche pas, tu ne sembles pas comprendre... J'ai envie de te sentir près de moi, comme pour effacer le souvenir qu'il a laissé sur moi, mais je suis également terrifiée à l'idée que quelqu'un d'autre me touche. Que l'on me fasse du mal à nouveau...
Lâche moi.
Ne me quitte pas.
Pars.
Laisse moi seule.
Ne m'abandonne pas.
Oh Léa... Il a tout gâché, si tu savais..."Chloé ! Calme toi! Ne crie pas comme ça... Essaie de-
-Violée. Il m'a violée."Je vois doucement le visage de Léa se décomposer. Comme si elle se rendait enfin compte de la situation. Elle se recule, s'agenouille devant moi et m'observe. Je suis encore à moitié nue, grelottante, rouge aux endroit qu'il a malmené, les yeux encore embués de larmes, sa semence encore sur mon chemisier... Le regard vide de toute vie qu'il aurait pu me rester.
De l'incompréhension au choc de cette nouvelle, je vois à présent la colère déformer le visage de ma Belle. Elle se lève, visiblement folle de rage, et commence à tourner en rond."OÙ EST-IL ?! OÙ EST-IL PARTI ?! QUI ÉTAIT-CE !?! DIS LE MOI, JE VAIS LE-
-ARRÊTE ! Tu ne lui feras rien du tout ! Calme toi... N'y vas pas... Reste avec moi..."Tout en la suppliant de rester auprès de moi, je m'accroche à ses jambes pour la retenir. Elle s'arrête, se baisse de nouveau pour être à ma hauteur et saisit mon visage en coupe pour mieux m'observer. Elle semble désolée.
"Pardonne-moi... Chloé c'est ma faute...
-... Tu ne pouvais pas savoir. Tu n'as pas à t'excuser.
-C'est moi qui t'ai proposé que l'on se voit ce matin !
-Et j'ai accepté ! Léa... Chercher un coupable est inutile... Ce qui est fait est fait."