Chapitre 12 : Tu m'intrigues

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J'ai mal.
A chaque fois que j'y pense je frissonne. Pourquoi ? Pourquoi ?? J'ai mal. J'essaie de lutter mais... J'ai envie de pleurer. Mes yeux me brûlent. J'ai froid pourtant... Il fait bon. Le soleil est encore jeune mais il chauffe déjà nos corps.

C'est comme si un cri dévastateur me chatouillait la gorge depuis des années. Si je ne me retiens pas... Je risque de me laisser aller...

Si je ne me retiens pas... tout risque de s'effondrer.

Et pourtant... un ange indescriptible est assit devant moi et me sourit. Comme si tout allait bien. Comme si tout était merveilleux. Je peux presque voir le bonheur émaner d'elle. Son sourire... Réchauffe mon cœur... Mais j'ai peur. J'ai peur. J'ai si peur que je n'ose la regarder...
Les courbes de ses hanches...
Les formes de ses bras, de ses cuisses...
Dans sa lettre elle disait que ce n'était qu'un prétexte pour me revoir. Alors j'utiliserais cela comme défense également. Elle est mon modèle. Rien de plus.
Je suis simplement chargée de faire son portrait.

Les minutes passent. Je prends pour habitude de finir le dessin par son visage. Son visage est si spécial... Je ne veux pas le rater. Une fois chacune de ses mèches attachées dans son chignon, je relève la tête pour observer ce sourire qu'elle m'offrait depuis une dizaine de minutes déjà. Seulement... Rien. Elle ne sourit plus. Elle ne fait que me regarder, un voile de tristesse sur le visage. Comme perdue dans ses pensées les plus sombres. Je me redresse, la regarde attentivement et lui demande finalement :

"Tu ne préfères pas que je te dessine avec un sourire ?
-Ha ! Si bien sûr. Désolée...
-Ce n'est rien..."

Tu es sûre que ça va ? Tu avais l'air si triste...
Je devrais lui demander.
Je devrais oui... Mais elle a de nouveau son magnifique sourire. Alors je me tais et je la dessine. Je suis si lâche...

Je pose enfin mon crayon, frotte délicatement l'épais papier de mon support pour enlever les derniers restes de gomme, le tend à mon modèle de la main gauche et m'empare de ma boisson délaissée de la droite. De nouveau perdue dans ses pensées, elle sursaute lorsque je le lui mets sous le nez. Elle relève les yeux et m'observe.

"Fini."

Elle prend silencieusement mon cahier.
Pourquoi ne dit-elle jamais rien lors de ces moments ? Elle reste... fascinée. Figée. Comme hypnotisée par ce qui l'entoure.
Je bois sans la quitter des yeux. Elle caresse une nouvelle fois mes traits noirs sensés la représenter et me dit d'une tendresse diabolique :

"C'est fabuleux... Tu as un don. C'est impossible autrement...
-Hm... Je suis plutôt quelqu'un que l'on qualifierait d' "ordinaire"...
-Tu te trompes ! Tu es quelqu'un d'extraordinaire justement... Je l'ai su dès la première fois où je t'ai vu...
-Tu es bien trop optimiste.
-Et toi tu ne l'es pas assez.
-Possible... Mais au moins moi je suis réaliste.
-Il n'y a rien d'irréaliste à dire que tu es formidable ! rit-elle.
-Tu me fatigues..."

En déclarant cela, je me suis levée, me suis tournée vers la mer et ai pensé : "Ce qu'elle dit est impossible."
Je ne peux pas y croire.

Je suis vide.

Je n'existe pas.

Ma mère a raison. Je n'ai jamais existé. Je n'existerais probablement jamais. Ainsi va la vie. J'ai peur de détruire. J'ai peur de blesser. J'ai peur de la souffrance. C'est probablement pour cela que j'ai peur d'approcher les gens. Les humains. Ces êtres fascinants et terrifiants à la fois... J'en ai peur. Et j'ai encore plus peur d'approcher l'ange qu'est Léa. Alors quoi ? Si nous devenons trop proche... Qu'elle commence à me poser des questions... Qu'elle s'immisce dans cette noirceur qui me définit... Qu'elle s'attache à cette erreur que je suis...Elle ne sera bientôt plus qu'un ange déchu.
Ce n'est pas ce que je veux.

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