Plusieurs jours ont passé depuis ma révélation.
Mes parents n'ont pas arrêté de s'engueuler sur ce qu'ils devaient faire, me dire ou même comment réagir.
Quant à moi, fragilisée par l'absence soudaine de Léa, je suis restée cloîtrée dans ma chambre.
On ne s'attendait pas à ça. Partir en vacance, dans la joie et la bonne humeur. La famille parfaite, de l'intérieur comme de l'extérieur. C'est ce que je croyais. Maintenant je peux la voir doucement se détruire, se consumer et se séparer. La perfection n'est qu'une illusion. Un mirage que l'on semble apercevoir de loin. Et quand on tend la main pour s'en emparer, deux bras maléfiques viennent entourer nos chevilles pour nous enfoncer six pieds sous terre. J'ai cru en l'amour, en l'humanité, je me suis permise d'espérer. Et j'ai été détruite. Mes parents espéraient la tranquillité, la perfection durable, le bien-être de notre famille. Et ils ont appris l'homosexualité de leur fille. Était-ce aussi douloureux pour eux que pour moi lorsque je me suis faite violer ? En tout cas, je suppose que les bras maléfiques les ont saisit eux aussi. Par ma faute.
Le matin. Il n'y a que le matin que leurs cris ne résonnent pas dans toute la maison. Il n'y a que le matin que je me sens apaisée, calme. En paix avec moi-même en fait... Je ne sors pas de ma chambre. Parfois je me contente simplement de regarder par la fenêtre durant de longues heures. Les lilas sont calmes ces jours-ci. Ils ne dansent plus au gré du vent...
Là, 8h56, je me réveille en sursaut. En sueur. Il me semble voir flou l'espace d'une seconde. Je sors d'un rêve terrible, affreux... Hein ? Qu'est-ce que c'était déjà ? Bah... Peu importe. Je me lève, légèrement déboussolée et vais sur mon téléphone. Léa m'a envoyé un message...| Bonne journée ma belle <3
Je souris niaisement et repose mon téléphone sur ma table de nuit. J'aimerais bien la voir aujourd'hui... Je descends, le plus discrètement possible, et me rends silencieusement dans la cuisine. J'espère qu'il reste des Twix. Je me baisse, ouvre le placard et constate avec ravissement qu'il en reste. J'en prends un paquet, me retourne et fais face à mon père. Je sursaute et soupire de soulagement que ce ne soit pas quelqu'un d'autre. Comme une ombre par exemple...
"Papa...
-Tout va bien ma puce ?
-Oui... Oui je ne t'ai pas entendu arriver c'est tout.
-Je parlais de toi... en ce moment. Ces derniers jours.
-Ho..."Je marque une pause. Hésite. Réfléchis. Comment est-ce que je me sens ?
"Elle... Elle me manque. J'ai envie de la voir..."
Je le vois sourire tendrement. Il s'assoit au bar et me dit en s'emparant de son journal :
"Je n'ai pas réussi à convaincre ta mère de... porter plainte. Alors on ira demain, juste tous les deux. On a pas besoin d'elle et moi je refuse de laisser cette pourriture impunie. Je sais que ce que je vais te dire va te sembler dingue... Mais ne lui en veux pas trop, d'accord ? Ta mère est aveuglée par une colère qui n'a pas lieu d'être, certes. Ce qu'elle est en train de faire est horrible mais... Une part de moi l'aime encore et l'aimera éternellement... Alors...
-Je comprends papa. Aucun problème... Je m'y attendais de toute façon... ça ne pouvait pas être un sans faute.
-...ça aurait dû l'être. Je suis désolé ma puce."Je lui souris à mon tour, passe à côté de lui, l'embrasse et remonte dans ma chambre. S'il a décidé d'aller voir la police demain, ça veut dire qu'il ne voudra rien entendre venant de ma mère aujourd'hui et que la tension entre eux va quelque peu diminuer. Alors je peux bien dire à Léa de passer non ?
Je me rue sur mon téléphone en jetant mon petit-déjeuner dans mes draps, retournés. Je réponds, toute excitée, à son message matinal.| J'ai envie de te voir... Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ?
Tension. Attente. J'ai envie de la voir. J'ai l'impression qu'on m'en a empêché pendant trop longtemps alors que c'est moi qui me suis isolée ces derniers jours. Je ne voulais pas être dans les pattes de mes parents pendant leurs engueulades. Je ne voulais pas voir ces regards de pitié qu'ils me lançaient aux repas. Pitié... ou dégoût. J'ignore même s'ils ont mis Ellio au courant. Je pense qu'il comprendrait mais... J'ai tout de même peur de sa réaction. Peur que son regard change. Peur qu'il n'agisse plus de la même manière avec moi qu'auparavant. La peur m'envahit, c'est tout.
Mon téléphone vibre.