Comme plongée dans un vide infini.
Un froid véritable.Comme réduite à un rien.
Décevant.Comme destinée à la plus grande des solitudes de ce monde.
A l'aide.Comme submergée par une peur bien trop grande.
Noyade.Le mal me ronge. Les cris enveloppent mes oreilles. Les yeux fermés, il n'y a qu'un noir effrayant. Vêtue de frissons, annonce de mon châtiment, je déambule, seule, comme morte, au milieu de ce décor théâtral. J'entends des cris. Il me semble reconnaître cette voix. Soudain j'ai mal. Soudain j'ai froid. En plus de ce souvenir sonore dont je suis victime, des bras chauds m'enveloppent de par derrière. Rien qu'à l'odeur je la reconnais. Le vide noir semble soudain moins terrifiant. Ma peau se réchauffe et mon cœur se calme. De la peur à l'amour. Ses mains, grandes et fines, passent sous mon haut, léger. Ses caresses sont douces, agréables et me soulage du poids que je transporte. Malgré moi. Je soupire d'aise. Mes jambes tremblent de bien-être. Léa. Léa. Léa... Touche-moi encore. N'enlève jamais tes mains de moi. J'ai si froid lorsque tu n'es pas là. Doucement, délicatement, de mon abdomen elle remonte jusqu'à mes seins. Là, son toucher change. Alors qu'elle m'effleurait, elle semble de plus en plus appuyer sur ma peau. De plus... en plus... sa douceur devient rauque et ferme. De plus... en plus... J'ai mal. Elle appuie trop fort. Elle tire. Elle veut les arracher ou quoi ? Et l'odeur change.De l'amour à la trahison. En baissant la tête, ses avant-bras ne sont plus ceux bronzés et délicats que je lui connais. Ils sont grossiers et poilus. Un homme. L'odeur de transpiration, de poussière et de cigarette. Il me tient. Je me débats. J'essaie de crier mais je n'ai plus de voix. Je n'ai plus rien. J'ai mal. Il me fait mal. Devant moi, Léa. Attachée. Elle me voit. Elle veut venir m'aider mais elle ne peut pas ! Quelqu'un est derrière elle... Je ne vois pas son visage. Il a un couteau. Non ! NON ! Pas elle ! Pas elle je vous en supplie ! NON ! Il place l'arme sous sa gorge... L'horrible main vient couvrir ma bouche muette et...
"NON !!"
Je me redresse en un sursaut. Je suis dans un lit. Dehors, le soleil brille. Je n'ai pas froid, ça va. Je transpire simplement à grosse goutte. Mais ce n'est pas ma chambre. Je sens les larmes ruisseler sur mes joues. La place à côté de moi est froide. Où suis-je ? Où suis-je ? La porte devant moi s'ouvre. Léa. Avec un plateau rempli de bonnes choses en mains. Elle est en petite tenue. Culotte t-shirt. Ses grandes jambes sans imperfections attirent mon attention. Ses yeux perdent leurs éclats lorsqu'ils me voient toute affolée et en train de pleurer. Elle a attaché ses cheveux en un haut chignon qui lui va à ravir. Certaines mèches n'ont pas été comprises dans ce dernier. Elle s'avance soudainement, referme la porte, pose le plateau sur la table au bout de son lit et vient jusqu'à moi. Là elle m'entoure, comme habituellement, le visage de ses grandes mains. C'est si rassurant. J'amène mes mains tremblantes à ses poignets, pour être sûre qu'elle ne bouge pas.
"Chloé... Tu as fais un cauchemar ?
-Oui... Oui si on veut...
-Dis-moi ce que je peux faire...
-Tu veux bien... Juste rester comme ça un instant? S'il-te-plaît..."Elle acquiesce et garde ses mains sur mes joues. Les larmes ne s'arrêtent pas, mais je me sens bien. Je colle nos deux fronts et respire, doucement. Son odeur. Sa chaleur. Ses mots. La douceur de ses mains.
Je m'éloigne d'elle, souris, essuie mes joues et m'excuse pour cette mauvaise première impression. Elle ne me répond pas, se contente de sourire en caressant une dernière fois ma joue et étire son corps pour attraper notre petit-déjeuner. Elle pose le plateau sur mes cuisses et reviens se glisser sous les draps, avec moi. Je la remercie et entame.J'y pense mais... on est le 3 août aujourd'hui... J'ai 16 ans. Je me demande si elle s'en souvient... Enfin... Peu importe. Ce n'est qu'une journée comme toutes les autres.