18/02/2133, 19h45

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Je suis allée sur la tombe de Mila. C'est la première fois depuis l'enterrement. Je ne voulais pas y aller. Mais j'ai tous ces remords, toute cette culpabilité sur les épaules, qui me pèsent chaque jour car je sais que tout est de ma faute. Et je passe mon temps à y repenser, à revoir ces derniers moments. Je devais aller lui rendre visite, je lui devais ça.

Je m'y suis rendue, après le travail mais une fois devant le portail je n'osais plus bouger. Le froid mordant de février rougissant mes joues, je ne pouvais pas. Je me rendais compte que ce n'était pas un geste anodin, banal. Ce n'était pas juste un geste physique, c'était un combat psychologique. Ce grillage était pour moi, bien plus qu'une délimitation entre la rue et un cimetière, c'était une porte vers un autre monde. J'avais toujours vu les cimetières comme quelque chose d'inutile, permettant seulement de se souvenir. Pourtant aujourd'hui, je vois les choses sous un autre angle, à présent je sais que ça permet d'oublier, aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est mon opinion. Grâce à ce lieu, on peut tenter de se racheter auprès de ces êtres partis trop tôt, de se laver de cette culpabilité, de perdre nos tracas quotidiens. Se concentrer sur le principal en balayant la futilité de nos vies.

J'ai fini par avancer, jusqu'à sa tombe, je marchais si doucement. Non pas de peur, mais je ne ressentais juste pas le besoin d'aller plus vite, comme si le temps ne s'écoulait plus de la même manière à cet endroit. Les secondes s'étendant longuement, et les heures durant des jours. Je voulais simplement prendre mon temps, ne pas penser à l'extérieur, me concentrant sur ce lieu qui était pour moi comme apaisant.

J'ai fini par arriver à proximité de sa stèle, quelqu'un si trouvait déjà. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que même après sa mort, elle continuait et continue d'être aimée par tous. En m'approchant, j'ai pu m'apercevoir que la fille était une amie de Mila. Elles étaient proches s'il me semble. Il y a deux semaines, elle était parmi ses amis à l'église. La fille s'est aperçue de ma présence et est partie en m'adressant un sourire sincère, peut-être compatissant.

- Je pense qu'elle peut nous entendre, j'en suis sûre, a-t-elle déclaré dans un sourire compatissant en quittant le cimetière.

Je me suis assise à même le sol, au milieu de graviers et de la poussière, puis j'ai commencé à parler. Au début, j'espérais encore sauver les meubles en essayant de ne pas paraître touchée, puis j'ai très vite abandonné. J'ai laissé mes larmes couler, longtemps, très longtemps, en criant, en tapant du poing sur la poussière. J'ai évacué toute ma rage, toutes mes émotions que je gardais enfouies depuis trop de temps. Tous ces sentiments que j'éprouvais envers moi-même, de la haine, de la culpabilité et même du dégoût. Mes cris cassaient le silence pesant qui régnait, résonnant contre les pierres tombales à l'infini, je m'en fichais, je voulais juste évacuer tout ça. Comme si je pleurais sur son épaule, qu'elle pouvait me consoler en me caressant le dos et me disant que ça irait mieux. Puis petit à petit, la pression est partie, comme envolée, et le calme est revenu. Les bruits du vent ont repris le dessus, et je suis restée à terre. Face à Mila, sans rien faire, je me sentais bien, j'avais l'impression qu'elle était en face de moi, à me regarder tendrement, de ce regard dont elle avait le secret.

- Merci, ai-je murmuré en partant.

Après avoir franchi l'enceinte du cimetière, je suis montée directement dans ma voiture, je n'ai plus songé à tous ces soucis qui me tracassaient depuis quinze jours, je n'ai plus pensé à rien d'autre que la route. Je me sentais bien, calme et sereine. J'ai pris la voix rapide et je suis rentrée.

Ça n'a pas duré. À peine la porte franchis, l'état de ma mère m'a sauté aux yeux. Elle n'avait pas bougé de l'endroit qu'elle occupait déjà ce matin. J'ai donc passé ma soirée à m'occuper d'elle, du mieux que j'ai pu. Depuis que je suis revenue, je me pose des questions sur mon indépendance. Quand je suis partie, je n'avais aucune attache, mais maintenant j'ai un métier, un appartement, toute une vie en ville. Je ne pourrais pas rester indéfiniment ici. J'ai peur, peur de l'avenir qui le semble bien sombre.

Zala.

Au plus près des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant