11/03/2133, 2h16.

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Durant ma journée, qui m'a paru compliquée après la si courte nuit que j'avais passée, j'ai réfléchi. J'ai repensé aux trois derniers jours, à mes rencontres successives avec le King et Filia. Et tous les deux ont parlé de la même chose, indirectement en tout cas. Des magouilles du gouvernement. Il est vrai que je me suis toujours méfiée du gouverneur, sans trop de raisons valables. Alors quand deux personnes m'affirment que l'État trafique des choses louches, je ne peux que les croire. Les résultats sont là; le King vit enfermé dans un sous-sol et Filia, dans un CAPA. C'est ce qui me pousse à me dire que je dois trouver ce qu'il se trame. Je suis convaincue que, si le King et Filia se rencontraient, ils pourraient trouver la vérité qu'il cherche depuis si longtemps, chacun de leur côté. Je dois un service au King pour les plans et quelque part j'en dois un aussi à Filia car elle a été là pour Mila quand moi je n'ai pas pu l'être.

J'ai donc décidé d'aller vers la zone industrielle à la fin de mon service. Le même droïde femme qu'il y a quelques jours m'a ouvert la porte. Elle ne m'a posé aucune question et m'a directement emmenée à la trappe sous le tapis du salon. Je l'ai remerciée et je suis descendue dans le repère du King.

- On ne voit que toi ici ! a-t-il rigolé en m'apercevant. Tu es venue m'apporter un cadeau ? A-t-il demandé toujours sur un ton humoristique.

J'ai légèrement souri puis, sans tourner autour du pot, j'en suis venue aux faits. Je lui ai tout raconté de A à Z, de la première rencontre avec Filia dans les couloirs du centre jusqu'à la nuit d'hier. Le tout sans oublier de parler du fait que le gouverneur est impliqué de façon plus ou moins anormale dans cette affaire. À ma plus grande surprise, il s'est montré très joyeux, il ne m'a pas ri au nez, il m'a écouté avec un grand sérieux.

- Qui est cette personne ? Serait-elle liée au plan du CAPA que tu m'as demandé ? J'en suis sûr ! Je veux la voir ! Elle doit sûrement en savoir plus que n'importe qui ! S'est-il exclamé en souriant à la fin de mon explication.

Je lui ai parlé de mon rendez-vous avec elle dans les heures qui allaient suivre et du léger problème qu'imposait sa puce. Il a acquiescé et je suis repartie en pensant à ce que j'allais pouvoir dire à Filia et à toutes les réactions qu'elle allait pouvoir avoir. Étonnamment, mon esprit pessimiste n'a créé que des scénarios qui tournaient mal, pour moi ou pour elle... Pour tuer les cinq heures et demi qu'il me restait à patienter, j'ai décidé d'aller à la salle de jeu à laquelle nous étions accros, Mila et moi, plus jeunes. Ça s'appelle Gamopia, et malgré le nom miteux, cet endroit a toujours été notre repère. Ça remonte à longtemps, quand notre père était encore en vie. Nous mentions toutes les deux sur nos horaires de fin de cours pour aller là-bas. Tout notre argent de poche y passait. Il y avait des jeux innovants, et des jeux qui dataient de plus d'un siècle, ce sont ceux que Mila préférait. Malgré leur lenteur incroyable, à croire que les gens de cette époque n'avaient que ça à faire, elle les trouvait fantastiques. Alors, quand j'y suis retournée, je me suis dirigée vers la machine de simulation qu'elle adorait, l'écran affichait encore son prénom dans le classement des meilleurs joueurs, elle était première. J'ai passé ma puce devant le lecteur pour payer ma partie et j'ai joué. J'entendais encore Mila me déconcentrer, me dire que c'était à son tour, son rire si sincère, la joie sur son visage. Tout ici me rappelait-elle. Pourtant, ce soir, je n'ai pas pleuré. J'ai retroussé mes lèvres dans mon premier sourire depuis des lustres. J'aimerais que le son de son véritable rire reste à jamais gravé dans mon esprit et dans mon cœur, car je sais que si mon cerveau l'oublie un jour, il restera dans mon cœur. Même si elle me manque et que je n'ai toujours pas accepté sa disparition, j'aime me remémorer tous ces souvenirs inoubliables et si beaux, ils me feront toujours du bien.

J'ai passé beaucoup de temps au milieu des jeux d'arcades, jusqu'à me rappeler qu'il était l'heure de partir. C'est donc le cœur léger et rempli de joie que j'ai franchi les portes de l'établissement, puis que j'ai conduit puis par la suite marché jusqu'à la fenêtre de Filia, en oubliant presque ce que je devais lui demander. Je suis arrivée pile au moment où l'adolescente ouvrait la vitre. Comme hier, nous nous sommes assises face à face. Elle m'a parlé de Mila, des tas de choses sans grande importance, mais qui ne m'ont pas ennuyé. Je l'écoutais parler et la relançais pour attendre avant de lui parler du King. Elle a bien réagi quand je lui ai demandé ce qu'elle dirait si je pouvais l'aider.

- Je te dirais que je suis prête à tout pour retrouver mes souvenirs et faire lumière sur les ombres qui entourent mon oncle.

Je lui ai souri et lui a raconté les grandes lignes de l'histoire du King. Elle avait l'air heureuse que je puisse l'aider mais elle était tout de même tracassée par sa puce de géolocalisation. Le reste de la nuit, j'ai essayé de la rassurer. Moi aussi j'avais peur, pourtant je l'ai caché pour la protéger. Je veux à tout prix que Filia s'en sorte, parce que c'est ce que Mila voulait. Ce serait pour moi un grand honneur d'accomplir la fin de son travail.

Zala.

Au plus près des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant