15/03/2133, 23h59

10 1 0
                                    

Cela fait tellement longtemps qu'on marche dans la forêt, que je ne sais même plus à quoi ressemble une rue pavée. Je ne me rappelle plus de la sensation de fouler un sol dur. Le vert et le marron sont les deux seules couleurs qui nous entourent, et l'horizon est toujours dans les mêmes tons. La fatigue nous pèse, nous ne dormons que trop peu, nos corps s'épuisent et nos réserves aussi. Le sac bien garni que l'on avait ramené de ce petit village aux abords de la forêt, n'est plus qu'un lointain souvenir, il nous reste à peine deux jours, en étant très optimiste. Et même si mon état et celui de Rory -j'ai toujours du mal à m'adapter à son prénom- sont inquiétants, celui de Filia l'est bien plus. Elle a maigri, encore un peu plus, si bien que même le vent parvient des fois à la déséquilibrer. Des cernes immenses descendent jusqu'à ses joues, et sa démarche est hasardeuse. J'ai très peur qu'elle ne tombe et ne puisse plus se relever. Je l'aide quelques fois, mais ayant déjà du mal à me traîner moi-même, je ne suis pas d'une grande aide.
Nous nous sommes arrêtés ce matin, une heure environ après notre départ, ce que nous faisions de plus en plus régulièrement. Tandis que Filia s'asseyait sur un tas de feuilles, je suis allé voir Rory un peu plus loin.

- On peut pas continuer à marcher comme ça dans la forêt, sans but. On doit trouver un endroit sûr, où on pourra se reposer et éviter de crever dans ces bois. Regarde, Filia, elle ne va pas bien du tout !

Il n'a pas eu besoin de regarder Filia, il savait de quoi je voulais parler. Rory savait qu'elle n'allait pas tenir, qu'il fallait sortir de ces bois et trouver un endroit stable dans lequel vivre quelque temps. Pour nous remettre sur pied. Le King a soupiré fortement et a levé les yeux vers les voûtes sombres qui s'amoncelaient au-dessus de nos têtes depuis un bout de temps. Il m'a expliqué que la police avait fouillé toute la ville au peigne fin, que toutes les forces de l'ordre étaient sur les dents ; que Miraras avait renforcé ses barrages ultra sécurisés par des hommes pour faire des rondes. Ils étaient même déjà passés par les égouts.

- Écoute, tu as raison. On doit partir d'ici, aujourd'hui. Et j'ai ma petite idée de l'endroit où on pourrait aller.

J'ai vérifié que Filia avait toujours l'esprit ailleurs pour demander à mon interlocuteur quel était l'endroit auquel il faisait référence.

- Où vas-tu cacher un arbre ? a-t-il demandé pour toute réponse.

- Dans la forêt.

Il s'est remis en marche, expliquant à Filia qu'il fallait repartir maintenant. Elle l'a fait sans discuter et je les ai suivis en cogitant. Soudain j'ai compris ce qu'il voulait dire. Si nous étions des arbres nous resterions dans la forêt pour nous cacher or nous sommes des humains et l'endroit où il y a le plus d'humains, c'est les villes. Il comptait retourner en ville, au milieu de la population ! Il était fou ! J'ai accéléré ma cadence, grâce aux dernières forces qu'il me restait pour le rejoindre, en tendant au passage un sourire rassurant à Filia.

- Tu es complètement insensé ! Tu as toi même dis que la police était sur les nerfs, et qu'il y avait des barrages partout. Si on pose un pied là-bas, on n'en ressortira pas libres, si ce n'est pire... ai-je chuchoté alors que j'aurais aimé lui crier dessus.

La seule chose qu'il a réussi à faire a été de sourire, ce qui n'a eut l'effet que d'attiser ma colère. J'ai eu une forte envie de le gifler et de lui hurler de me dire tout ce qu'il avait derrière la tête. Mais je n'ai pas pu le faire, à cause de Filia, et du fait que l'on aurait pu se faire repérer. Et aussi peut-être que même si je ne voulais pas l'admettre à haute voix, je commençais à beaucoup l'apprécier. Et sans lui, nous serions sans doutes déjà en prison depuis un bon bout de temps.

- J'ai également dit que les forces de l'ordre avaient fouillé les égouts. Et ils ont fini, je ne pense pas qu'ils recommenceront. Personne n'aiment ça, et puis, les policiers n'ont pas précisé qu'ils voulaient recommencer dans leurs rapports C'est notre billet de sortie !

Au plus près des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant