14/03/2133, 23h36.

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Je n'ai pas pu t'écrire hier, j'étais bien trop harassée pour cela. Nous avons passé notre journée à marcher un peu plus dans les bois chaque minute, pratiquement sans relâche. Nous en avons tous eu des ampoules aux pieds.

En plus du vent froid qui nous gèle les doigts, hier, nous avons dû partager en trois la seule barre énergétique que j'avais dans la poche. Ce fut notre seul repas depuis notre départ, bien trop peu pour un homme, une femme et une adolescente en pleine croissance. Aujourd'hui, notre avancée a été plus hasardeuse, chaque pas était plus difficile que le précédent mais moins pire que le suivant. Dans ces conditions, nous n'allions pas tenir plus d'une heure de plus, surtout ayant passé deux nuits horribles dans les bois, à ne dormir vraiment qu'une demi-heure. Nous avons fait une pause quand le soleil était à peine levé, ce qui devait faire environ vingt minutes depuis notre départ, mais c'était déjà trop pour nos métabolismes qui tournaient au ralenti et qui étaient épuisés. Je me suis lourdement assisse sur un tronc, et j'ai décrété :

- On ne peut pas continuer ainsi, même si techniquement, on peut tenir une journée sans boire et quatre jours sans manger. L'eau qu'on a bue hier ne suffira pas à nous désaltérer et nous allons mourir de faim dans cette forêt qu'on ne connaît pas. On doit faire quelque chose !

J'ai regardé le King, c'est surtout à lui que je m'adressais, c'est lui qui nous avait embarqués là-dedans, même si je ne regrette pas, je lui en voulais un petit peu de s'être activé trop vite. Il m'a regardé en souriant et a affirmé à son tour:

- Il n'y pas de problème, que des solutions !

Il s'est alors assis à même le sol et sortit le seul ordinateur qu'il avait pu trouver avant de partir et a tenté de se connecter au réseau sans se faire repérer. Pendant qu'il marmonnait dans sa barbe contre son outil de travail, employant des mots que je ne comprenais pas ou qu'à moitié, je suis allée vers Filia. Elle avait trouvé un nid de mousse pour s'asseoir confortablement et je me suis placée à ses côtés.

- Tu peux dormir un peu si tu veux, je pense qu'il en a pour un moment

J'ai ressenti le besoin de lui proposer, elle semblait si épuisée. Elle n'avait pas marché comme ça depuis longtemps, dans la forêt jamais du moins. Je veux qu'elle se sente le mieux possible. Pendant un instant, je l'ai imaginé, dans son lit, me suppliant de rester encore quelques minutes avec elle pour regarder les étoiles brillantes accrochées à son plafond, puis moi, m'allongeant à ses côtés, inventant des histoires pour la faire rire. Puis, je me suis aperçue que j'imaginais Mila, c'est avec elle que je faisais ça, presque chaque soir. Avant. Avant bien des choses, quand tout allait encore bien, que la maison familiale résonnait de rires d'enfants et était remplie d'odeurs rassurantes de cuisine. Le temps où je jouais dans le jardin avec ma petite sœur, où nous nous amusions à sortir discrètement la nuit pour s'installer sur nos balançoires et admirer les astres. Mila les aimait plus que tout, elle disait toujours que quand elle serait grande elle irait les voir. Maintenant, elle les a rejointes. Elle vit parmi elles.

- Les filles, venez voir ça !

Le King m'a arrachée de mes pensées pour me ramener sur Terre. J'ai rouspété parce qu'il parlait trop fort et j'ai jeté un œil à sa page internet.

Ce que j'ai vu ne m'a pas plu du tout: on me voyait, aidant Filia à sauter de la fenêtre, mais de l'angle de la caméra, on aurait clairement dit que je l'enlevais. Celle qu'il montrait bien sûr, parce que j'étais sûre que d'autre n'aurait pas montré la même chose.Après les quelques secondes de vidéo passaient l'alerte kidnapping, me présentant comme une dangereuse criminelle. J'étais abasourdie. Le tout tournait et passait en boucle sur tous les réseaux sociaux. J'étais le sujet principal de conversation, tout le monde était épouvanté et certain en avaient profité pour faire des blagues.

Au plus près des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant