Au plus près des étoiles

15/02/2133, 16h26.

Je suis très inquiète. De l'état de maman. Chaque jour il se dégrade un peu plus depuis la disparition de Mila. Ça a été un véritable choc pour elle, celui de trop. Depuis la mort de papa, elle ne s'était pas encore totalement remise, son décès avait été aussi brutal et inattendu que celui de Mila. Il est parti il y a huit ans, déjà. Elle n'a jamais retravaillé après ça, elle n'a jamais repris sa vie. Il faut admettre que personne n'a entièrement réussi. Maman, elle, est devenue dépressive, lassée de vivre, après cela. Elle passait ses journées au lit, à se lamenter et à vider toutes les larmes de son corps. C'est seulement grâce à nous qu'elle n'a pas totalement sombré et s'est accroché un minimum à la vie. Mila et moi lui apportions tous ces repas, je m'occupais des papiers administratifs, je faisais les courses, je m'occupais de ma sœur. Toutes ces choses que les enfants ne devraient pas faire en temps normal. Toutes ces choses que j'ai faites, qui m'ont aidé à mûrir plus vite que je ne l'aurais dû.

Et j'ai peur que cela se reproduise. Je crains qu'elle ne retombe encore plus bas que ce que nous aurions pu imaginer il y a huit ans. Malgré le fait qu'elle ne montre pas ses sentiments, je sais qu'elle est détruite. Ce que je ne sais pas encore en revanche, c'est si elle est toujours dans le déni, ou si c'est trop pour elle. Pourtant une chose est sure, elle est absente. Les seuls faits qu'elle bouge et qu'elle respire, sont les signes qu'elle est en vie. C'est bien pire qu'à la mort de papa.

Ma sœur, elle, n'avait pas montré de réaction face à la disparition si subite de notre père. Elle était si jeune, elle n'avait seulement 14 ans à l'époque. Seulement, le bonheur qu'elle faisait miroiter n'était qu'un masque, une illusion qu'elle avait créée, qui avait réussi à tromper ses amis, mais pas moi, je savais qu'elle cachait ses sentiments en sortant et en souriant le plus possible. Elle essayait de se convaincre elle-même qu'elle était heureuse. Ce n'était pas la vérité, elle était toute aussi malheureuse que nous. Peut-être même plus. Son sourire n'était plus aussi rayonnant qu'avant, il était devenu machinal, presque moqueur. C'est-ce que la société veut après tout, que l'on se mente, que l'on cache ses véritables sentiments et que l'on ne montre que la joie. Tant que la gaîté était là, personne ne posait de questions. Ma sœur avait très vite assimilé ça et elle l'appliquait chaque jour, chaque minute, chaque seconde.

Tu sais, on dit que les yeux sont le miroir de l'âme, je n'avais jamais vraiment compris cette expression avant l'instant où ces deux policiers sont entrés. Leurs regards voulaient tout dire. J'ai su avant même qu'ils ne prononcent un seul mot qu'ils allaient annoncer une mauvaise nouvelle. Leurs prunelles évoquaient la tristesse et la désolation. En effet, ils nous ont annoncé que Mila était partie rejoindre papa. Sa voiture avait été retrouvée dans le fossé, ce sont ses dents qui avaient permis de l'identifier. C'est horrible. Et plus j'y repense, plus mon rêve de la savoir à l'autre bout de monde s'effrite face à la réalité. Et réellement, je m'en veux tellement, tout est de ma faute, j'espère que l'on me pardonnera, et surtout que je me pardonnerais, un jour. Je ne suis pas sûre d'y arriver.

Zala Tryside.