17/03/2133, 23h53.

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Nous avons marché, c'est tout ce que nous avons fait, encore et encore, dépassant les limites de nos corps. Durant plus de deux jours. La première nuit que nous avons passée dans les égouts, nous a tout de même aidé à nous reprendre des forces. La deuxième par contre a été moins reposante, nous étions à proximité de l'eau. Nous avons tout de même beaucoup récupéré depuis que nous avons quitté la forêt. Notre allure, est plus rapide et énergique, nous avancions plus rapidement. Il n'y a plus d'obstacle, ou de boue qui s'accroche à nos chaussures. Ce matin, je me suis inquiété de ce que nous allions faire : nous n'avions plus que très peu de nourriture.

- Tu penses vraiment que je n'ai pas de plan ? a répondue Rory avec un sourire.

J'ai levé, les yeux au ciel, il ne pouvait jamais être direct. J'ai réclamé des explications et il a finalement dénié m'expliquer qu'un de ces contacts avait un service à lui rendre et qu'il lui prêtait sa maison tant qu'on ne le mêlait pas à toute cette histoire. Je n'ose même pas savoir ce que Rory avait fait pour lui pour qu'il prête sa demeure...

- Super ! Je vais toute de suite l'annoncer à Filia, elle va être super heureuse d'enfin sortir d'ici !

Je l'étais moi aussi tout autant, je n'en pouvais plus de marcher dans ces longs couloirs, côtoyer cette eau sale absolument répugnante, accompagné malgré tout d'une odeur désagréable. Très enthousiaste à l'idée de revoir la lumière du jour, je suis allée joyeusement rejoindre Filia, à l'arrière. Je lui ai annoncé la meilleure nouvelle que nous avions depuis que nous étions partis.

Pourtant, sa réaction n'a pas été celle à laquelle je m'attendais. Sans que je puisse réagir assez vite, j'ai vu son visage se décomposer, puis elle s'est effondrée au sol, je voyais qu'elle suffoquait. J'ai paniqué à mon tour, appelant Rory pour qu'il vienne nous aider.

Il nous a rejoints et a jeté un coup d'œil à la jeune femme qui était à terre. Elle ne semblait pas aller bien du tout. Il m'a interrogé du regard et je lui ai raconté que j'avais seulement parlé de sortir et retrouver la surface, pour rejoindre un endroit sûr.

- Elle a dû faire une crise de panique, elle a peur que son oncle puisse nous retrouver ! Dis-lui un truc qui la rassure !

J'ai réfléchi une seconde avant de trouver ce qui la rassurait le plus, comme la dernière fois, je lui ai parlé de la chose à laquelle nous tenions autant l'une que l'autre.

- Filia ? Tu te rappelles quand tu m'as parlé de Mila l'autre jour dans la forêt ? Tu m'as dit qu'elle était fière de moi, elle l'était aussi de toi. Un soir, elle est venue me voir dans ma chambre, elle s'est allongée dans mon lit. On est resté là, longtemps, juste nos souffles qui coupaient le silence de la nuit. Puis, elle m'a parlé, ça faisait longtemps qu'elle ne s'était pas confiée à moi. Je crois que c'est d'ailleurs la dernière fois qu'elle la fait, avant de... Enfin, bref. Cette fois-là, elle m'a parlé d'une amie. Elle m'a dit, qu'elle était formidable, elle trouvait qu'elle était une battante, qu'elle ne se laissait pas abattre, malgré sa vie, qui n'était pas facile. Je pensais qu'elle disait ça parce qu'elle avait des problèmes familiaux, ou quelque chose dans le même genre... Mais maintenant, je sais qu'elle parlait de toi, et je ne pense pas qu'elle voudrait que tu aies peur de ton oncle, tu es forte, on va réussir à lui échapper, je te le promets !

Sa respiration s'est faite de plus en plus calme, et elle a fini par lever la tête. Elle a hésité par rapport à la véracité de mes propos.

- C'est vrai, lui ai-je assuré.

Et ça l'était. Je me souviens, que c'était un week-end d'hiver, il faisait trop froid pour aller dehors, alors, on a discuté dans mon lit. Et en chuchotant, pour ne pas troubler trop le silence religieux qui planait sur la maison, nous nous sommes livré tous nos secrets inavouables à la lumière du jour. Comme lorsque nous étions petites, des années plus tôt. Elle m'a parlé pendant longtemps, me racontant, ses histoires de cœur, ses histoires avec ses amies, tantôt rigolant, tantôt plus maussade. Moi, en parfaite confidente, je la laissais parler sans jamais l'interrompre, lui offrant mon épaule pour y déposer ses larmes qu'elle a gardées pour elle cette fois-là et l'accompagnant dans le rire. Nous avons fini par ne plus rien dire, là, étendues sur le matelas, redonnant au silence le droit d'exister, et de redevenir maître pour les quelques heures qui lui restaient avant que le brouhaha du jour ne le reprenne le dessus.

Au plus près des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant