16/02/2133, 22h52

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Je commence à m'attacher à toi, c'est la deuxième fois que tu m'empêches de rejoindre les bras de Morphée. Alors, oui, aussi bizarre que cela puisse paraître, j'ai des remords de ne pas t'avoir tout dis. À toi, qui aux yeux des autres n'es qu'un vulgaire journal en papier, mais tu es bien plus à mes yeux. Tu es devenu un confident. Car en plus d'avoir réellement besoin de livrer mes sentiments à quelqu'un, tu ne me juges pas. Comme un ami qui écoute, sans jamais répondre, qui te laisse évacuer toute ma haine et ma colère. C'est ce que je vais pouvoir réaliser grâce à toi, parce que ma peine est trop grande et mes regrets trop intenses pour que je puisse les garder uniquement pour moi. Je dois te les écrire.

La mort de papa est le point de départ de tout. Ma mère s'enfonçait dans son chagrin ; ma sœur, elle, se cachait derrière une joie fictive ; tandis que moi, rien. Certes j'éprouvais de la tristesse suite à la perte de mon père que j'admirais plus que tout ; pour autant, je n'ai pas eu de réactions aussi vives que celles de mes proches. Je m'en voulais un peu, j'aurais aimé être comme Mila, sortir, pour me vider la tête, chanter pour évacuer mes démons, rigoler pour me convaincre que j'étais heureuse jusqu'à ne plus avoir de voix, ne plus connaître mon prénom. Même si ce n'était pas une solution, même si c'était absurde, j'aurais eu une réaction. Elle, elle avait cette capacité de se créer des rôles, elle était comme ça. Elle inventait des gens sans malheurs et s'initiait dans leur peau, elle était douée pour jouer. Tout le monde la croyait, c'est pour ça que chaque personne qui connaissait son histoire l'adorait, elle était une battante aux yeux de bons nombres de gens. Et, je faisais partie de ceux-là même si je n'avais pas le même point de vue. Si j'idolâtrais ma sœur, c'était pour ce masque qu'elle portait sans jamais défaillir. Pas une seule fois je l'avais vu perdre le contrôle de ses sentiments en public. Un peu comme l'un de ces robots que l'on voit parfois dans la rue, appartenant à un enfant fortuné, sauf qu'elle paraissait humaine, sincère.

Pendant que moi de mon côté, je ne réagissais pas. Je restais des journées à m'occuper de ma mère, à effectuer les tâches quotidiennes les plus banales. Ça m'occupait, me permettait de ne pas perdre pied, du moins je le croyais. En réalité, avec du recul je m'aperçois que je n'avais juste aucune idée du comportement à adopter, tous les rôles étaient pris. Ce moment reflète bien la totalité de ma vie. Je suis le mouvement, incapable de faire des choix, je ne suis qu'une parmi tant d'autres au milieu d'une foule compacte. C'est pour ça que j'aime Mila, elle était unique.

Mais, je l'ai brisée, en effectuant un choix, en partant du domicile familial. C'est la seule chose que j'ai réussi à faire, laisser Mila et maman seules, au moment où elles avaient le plus besoin de moi. Je suis juste partie au bout de quelques mois. Chaque jour, ça me ronge, je me demande comment j'ai pu leur faire ça, comment j'ai pu les laisser tomber. Je m'en veux tellement, je suis rongé par la culpabilité, et pas seulement pour ça, je suis une fille horrible. Je ne suis pas sûre de mériter de vivre.

Zala

Au plus près des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant