Debout dans un coin de la pièce, où la sorcière m'a ordonné d'aller, je suis incapable de regarder l'horrible scène qui se joue devant moi. Malgré tous les efforts de Mathilde pour ne pas me montrer qu'elle souffre, les coups de canne qui frappent son dos nu la font gémir de douleur. Les mains appuyées sur mes yeux et la tête rentrée dans les épaules, j'essaye tant bien que mal de retenir mes larmes en me mordant la lèvre. Mes paumes devenir humide, tandis que les cris de ma sœur résonnent dans la pièce.
Le sentiment d'impuissance m'étreint, je m'en veux de rester là, incapable d'aider Mathilde. Je voudrais partir avec elle, fuir cet endroit et ne plus jamais revenir. Mais je suis comme paralyser par la peur...
Après une éternité, les coups cessent enfin. J'essuie d'un geste frénétique l'eau qui coule de mes yeux, cherchant à dissiper le voile qui obscurcit ma vision.
Mathilde, le dos rougi et ensanglanté, réajuste péniblement sa robe. Un frisson horreur me parcourt lorsque je remarque des traces écarlates qui marquent ses épaules meurtries. Elle détourne son visage vers moi pour éviter le regard glacial de la directrice. Mon cœur se fissure en la voyant ses yeux rouges et injectés de sang, elle a l'air tellement vulnérable. Une nouvelle vague de larmes m'envahit, des sanglots étouffés bloquant ma gorge. J'aimerais la prendre dans mes bras, la réconforter, sécher ses larmes, mais mes jambes refusent de m'obéir. En voyant mon regard, Mathilde se retourne pour essuyer ses larmes avant de se redresser, camouflant difficilement une grimace de douleurs, avant de me sourire de toutes ses dents en me faisant un clin d'œil malicieux. Tant bien que mal, j'essaie de lui rendre son sourire.
Madame Métivier claque lentement trois fois la longue canne dans la paume de sa main droite avant de m'ordonner d'approcher. Mes yeux écarquillés de terreur dévisagent la sorcière sans bouger. Mon cœur tape fort dans ma poitrine à m'en faire mal et ma respiration s'accélère en même temps que de nouveau sanglot montent. Exaspérée, la sorcière frappe sa canne sur son bureau en me fixant sans rien dire. Je sursaute. Mon souffle se coupe. Je baisse rapidement la tête et avance d'un pas lent en essayant de ne pas m'écrouler à cause de mes tremblements incontrôlés.
— Élia, Élia, Élia... commence la sorcière lorsque j'arrive à sa hauteur. Que vais-je faire de toi ? Une voleuse ! Qui voudrait adopter une petite voleuse ? Personne. Aucun parent au monde ne voudrait d'une fille comme toi. Tu es... Comme un fruit avarié, plus personne ne veut de toi !
Mon cœur se serre et mon regard se trouble de nouveau de larmes. Mon cœur est secoué par des centaines de spasmes incontrôlables. Ma respiration s'accélère, je sens que je perds mon souffle et mes yeux débordent, laissant un torrent d'eau salé avalé mes joues rougies.
Et si elle a raison ? Si plus aucune famille ne voulait m'adopter ? Si je finissais ma vie ici ? Si jamais personne ne m'aimait ? Si mon rêve restait un rêve ? La sorcière a raison, qui voudrait adopter une voleuse ? Non, je ne suis pas une... Si, j'en suis une... J'ai volé de la nourriture et j'ai désobéi... Personne ne voudra m'adopter maintenant.
Madame Métivier continue à parler, mais je ne l'entends pas. Je ne l'écoute plus. Ses paroles me font trop de mal.
— Arrêtez ! s'exclame Mathilde en se mettant devant moi et dévisageant la directrice les sourcils froncés. Arrêtez ! Elle n'a rien fait de mal ! C'est moi, d'accord ? Je l'ai entraînée avec moi. Alors arrêtez de vous acharner sur elle. Elle est encore petite... Elle ne savait pas ce qu'elle faisait. C'est de ma faute ! Alors arrêtez de-
— Silence ! s'écrie la sorcière hors d'elle, son visage crispé par rage. Je commence à ne plus supporter ta désobéissance perpétuelle, tu n'es qu'une petite impertinente ! Et toi, dit-elle en se retournant vers moi, lève tes mains, paumes vers le haut.
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La petite orpheline
Science FictionLorsque l'on est une jeune orpheline en 1922, la vie est loin d'être un jeu d'enfant. Surtout, quand on habite dans un orphelinat où la règle principale est le silence. Où il est défendu de jouer et de rire. Où les enfants sont cloîtrés en attendant...