Chapitre 16

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Le regard fixé sur mon cahier d'arithmétique, je me démêle mentalement avec les multiplications. Lasser par ces calculs qui n'ont rien d'amusant, mon regard dévie vers le ciel, et notamment sur trois oiseaux qui semblent jouer à chat dans le ciel. Chacun virevolte dans tous les sens, l'un cherchant à rattraper les deux autres et ces derniers l'esquivant de justesse. Les voir libres de s'amuser et tournoyer dans le ciel bleu, me donne envie de les rejoindre. Je ferme les yeux et m'imagine quitter ma chaise et m'envoler dans les nuages. Planant au-dessus des arbres, survolant l'orphelinat et partir le plus loin possible, retrouver Mathilde.

Le bruit d'une règle claqué sur un bureau fit exploser ma bulle et je retombe sur terre. Je lance un dernier regard envieux aux trois oiseaux qui commence déjà à partir jouer ailleurs, avant me tourner vers l'instituteur. Le visage rouge et les sourcils froncés.

— Gaétan, Julien, silence ! Le prochain que j'entends aura le droit au bonnet d'âne !

Discrètement, je jette un coup d'œil vers les garçons qui se trouvent à l'autre bout de la classe. Julien baisse immédiatement la tête vers son cahier, imiter une seconde plus tard par son ami. Ils ne font pas les malins, personne ne veut subir l'humiliation du bonnet d'âne.

Je me remets à mon tour à mes calculs et attends patiemment la sonnerie.

Après le déjeuner, et avant d'aller faire mes corvées, je vais rejoindre Adeline et Hortense sous l'arbre au fond du terrain. Lorsque j'arrive à leur hauteur, je les salue d'un petit signe de main, mais Adeline et Hortense sont bien trop occupées à se chamailler pour me remarquer.

— Qu'est-ce qui se passe ? demandé-je.

Pour toute réponse, Hortense grogne :

— C'est une mauvaise joueuse c'est tout !

— Ah, c'est encore un pari débile que vous avez fait ? deviné-je en roulant des yeux.

Je soupire amusée, j'aurais dû m'en douter, c'est habituel chez elles de se disputer à cause de ça. Leur grand jeu, c'est de parier sur tout et n'importe quoi, le souci, c'est qu'elles ne sont jamais d'accord.

— Je te dis que j'ai raison ! claque Adeline sèchement.

Hortense soupire exaspérée, avant de dire :

— Mais arrêter de mentir, c'est moi qui ai gagnée.

— Faux. Il l'a fait vingt-quatre fois, j'ai compté.

— Mais non, il a fait que quinze, les autres c'étaient dans ses mains, ça ne compte pas.

— Et pourquoi ça ne compterait pas ? On a jamais dit ça d'abord ! C'était pas dans les règles.

— Mais ça semble évident que ça ne compte pas !

— Euh, les filles ? les interrompé-je. C'était quoi votre pari ?

Elles soupirent énervées en se tournant vers moi, pendant un instant j'ai cru qu'elle allait me gronder moi aussi.

— On a parié combien de fois le maître ferait claquer sa règle sur son bureau pendant le cours, répond Hortense en croisant ses bras, et il l'a fait quinze fois.

— Mais non, c'est vingt-quatre, tu ne sais pas compter, grogne Adeline.

— T'es bête ou quoi ? Les autres ce n'était pas sur son bureau, mais sur le tableau ou dans ses mains. Ça ne compte pas. On-

— Mais si ça compte, coupe Adeline en haussant la voix, il a fait claquer sa règle donc ça compte !

— Tu m'énerves. Bon, dit Hortense en se tournant vers moi, alors qui as raison ?

La petite orphelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant